Coût irrécupérable appliqué au développement personnel

Je ne suis pas un as de la finance, loin de là. Mais un concept que l'on m'a appris au cours de ma carrière est le concept de "coût irrécupérable".

Le concept, en soi, est simple : tout investissement (en temps, en argent) qui a été fait dans le passé ne doit absolument pas influencer les décisions futures.

Illustration. Imaginons que vous achetiez deux terrains pour construire votre maison. Le premier terrain, vous l'avez eu à un prix imbattable au travers d'enchères suite à la banqueroute d'un pauvre individu. Le deuxième terrain, vous l'avez obtenu pour 10x le prix. Sur quel terrain allez-vous faire construire votre maison ?

Cela dépend bien évidemment. De la localisation par rapport aux commerces, aux écoles, de la sécurité de l'endroit. De la beauté du voisinage et de la proximité d'espaces verts, etc.

À quel moment le prix d'achat est-il intervenu dans cette décision ? Jamais. Certes, le prix du terrain peut refléter le potentiel du lieu. Mais parfois, ce n'est pas le cas. Et il est fort possible que le terrain qui ne vous a pas coûté beaucoup soit le plus prometteur. Vous n'allez pas automatiquement choisir le terrain le plus cher car c'était le plus cher !

Jusque-là, vous me suivez ?

Alors pourquoi n'appliquons-nous jamais ce concept à notre vie personnelle ?

(mise en garde : en tant que non-économiste et un peu allergique à la finance, il est fort possible que j'écorche grandement le concept - je m'en excuse d'avance 🙂 )

Coût irrécupérable et developpement personnel

 

Le concert ennuyeux à mourir

Imaginons. On vous a parlé d'un nouveau groupe qui cartonne en ce moment. Appelons-les "The Tormented Angels". C'est un groupe français mais le nom anglais, ça sonne mieux. Vous écoutez quelques morceaux, cela vous plait bien. Ils font la une des réseaux sociaux, ils doivent donc avoir un immense de talent (sarcasme).

Les billets sont extrêmement difficiles à obtenir. Vous finissez par en obtenir un. Le siège n'est pas trop mal placé. En revanche, cela vous a coûté plusieurs centaines d'euros (aïe !).

Le concert commence, et là, catastrophe. Le chanteur, Ritchie Blacknight (de son vrai nom Damien Grosjean), chante comme une chèvre qui a un peu trop vapoté du chanvre. La sono vous défonce les oreilles et sature dans les aigus. Les lumières clignotent tellement que vous sentez la crise d'épilepsie qui pointe. Bref, c'est la misère.

Mais partez, bon sang !

Ben non, vous avez claqué quelques centaines d'euros, maintenant vous restez jusqu'au bout.

Vous voyez le raisonnement bancal ? La somme que vous avez investie dans ces billets ne devrait absolument pas rentrer dans la décision de lever votre cul du fauteuil et d'activer la fonction "marche vers la sortie". Bonus : vous sortirez du parking en 2 minutes au lieu de 45.

Vous vous êtes laissé berner par (1) l'effort qu'il a fallu investir pour obtenir ce billet et (2) la somme d'argent sortie de votre poche.

 

Coût irrécupérable au ciné

Bon, là c'est un peu pareil. Combien ont la vivacité de se lever et partir lorsque le film est nul ? Pas beaucoup. Et en ce qui me concerne : coupable !  Ben j'ai payé pour les billets non ?

Et alors ? On s'en cogne ! Là, je suis en train de gâcher 1h45 de ma vie à cause d'un investissement passé.

Si c'est du passé, les compteurs devraient être remis à zéro, que l'on parle de l'effort investi ou du coût monétaire. La décision se prend à partir de maintenant pour optimiser mon bien-être futur. Le passé ne rentre pas dans l'équation.

 

La maison de vacances

Récemment, un ami m'a dit "je n'achèterai jamais de maison de vacances". Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m'a dit "sinon je n'irai jamais en vacances ailleurs, et cela deviendra triste à mourir".

Je lui ai alors demandé si c'était une histoire d'argent. Il m'a dit que non. S'il partait en vacances dans sa maison, cela ne lui coûterait pas grand-chose vu qu'elle est déjà achetée (l'investissement s'est fait dans le passé). Et s'il partait ailleurs, idem, car il aime les campings, le repas tiré du sac à dos et la découverte de nouveaux paysages à pied.

Et pourtant, s'il avait une maison de vacances, il se priverait du bonheur de découvrir de nouveaux horizons. Ben oui, il a acheté cette maison, faut bien en profiter maintenant. Faut bien l'"amortir". Encore cette histoire de coût irrécupérable à l'œuvre.

 

Coût irrécupérable et changement de carrière

Alors là, mes amis, préparez-vous à observer un feu d'artifice de coûts irrécupérables qui prennent la barre et pilotent votre vie.

Entendu près de chez vous :

  • "J'ai étudié pendant 2 ans pour mon MBA, ça m'a coûté une blinde, je ne vais pas quitter la finance maintenant."
  • "J'ai investi 15 ans de ma vie dans la high-tech, ça serait de la folie de partir et gâcher mon expérience."

Oui, ok, mais c'est du passé tout ça ! Désolé, c'est un peu cucul à dire, la phrase n'est pas de moi, mais aujourd'hui est le premier jour du reste de votre vie (*). La somme d'argent et les 2 années investies ne sont plus de ce monde. Pourquoi utiliser ce critère pour prendre votre décision ?

Le seul paramètre qui doit rentrer en compte, c'est la capacité des différentes alternatives de vous apporter un max de la joie, d'excitation, de bonheur. Et de ne pas crever la dalle, bien entendu, car il faut bien manger, se doucher et avoir un toit.

Si vous prenez vos décisions basées sur le coût irrécupérable, vous allez créer un effet de paralysie car vous essaierez de toujours justifier un investissement passé ➜ pas de changement de direction autorisé. Plus tard, vous aurez affaire à une méchante bébête qui s'appelle le regret. Et le regret ne pardonne pas, car il ressort un jour, avec les cheveux grisonnants et le pas hésitant des vielles années. C'est cette voix qui dit "et alors, vieille carne, tu pouvais pas te lancer quand tu en avais encore la possibilité ?".

Le coût irrécupérable a cet effet sur nous. Il nous confine au status quo. Il nous fait prendre de mauvaises décisions, basées dans le passé plutôt que dans le futur. Il est important d'en être conscient.

Et si vous avez encore quelques minutes, vous trouverez d'autres articles ici 🙂

 

(*) petit clin d'oeil au film de Rémi Bezançon.