Lettre d'amour de Richard Feynman
J'ai traduit moi-même cette lettre de Richard Feynman. Je ne suis pas traducteur professionnel, mais je suis bilingue. J'ai fait tout mon possible pour rester fidèle à la lettre originale. Mais j'ai aussi pris quelques libertés, car le texte original présentait quelques difficultés concernant la fluidité. Les traducteurs de métier m'excuseront.
Cette lettre m'émeut et me touche au plus profond. Le vrai amour ne meurt pas. Merci M. Feynman.

Copyright Tamiko Thiel 1984, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
D’Arline,
Je t’adore, ma chérie.
Je sais combien tu aimes l’entendre, mais ce n'est pas pour cela que je l'écris. Je l’écris, car cela réchauffe l'intérieur de mon corps tout entier.
Cela fait terriblement longtemps que je ne t’ai pas écrit, presque deux ans, mais je sais que tu m’excuseras car tu sais comment je suis, obstiné et réaliste ; et je pensais qu'il n'y avait aucun sens à écrire.
Mais maintenant, je sais, ma femme chérie, qu’il est juste de faire ce que j’ai repoussé, ce que j'ai tellement fait dans le passé. Je veux te dire que je t’aime. Je veux t’aimer. Je t’aimerai toujours.
Je trouve difficile de comprendre ce que cela signifie de t’aimer après ton décès, mais je ressens toujours le besoin de te réconforter, de prendre soin de toi, et je veux que tu m’aimes et que tu prennes soin de moi. Je veux avoir des problèmes à discuter avec toi, de petits projets à faire avec toi. Je n’avais jamais pensé jusqu’à maintenant que nous pouvions faire cela. Que devrions-nous faire ? Nous avions commencé à apprendre à confectionner des vêtements ensemble, à apprendre le chinois, nous avions acheté un projecteur de films. Ne puis-je rien faire maintenant ? Non. Je suis seul sans toi, et tu étais celle qui avait les idées, l’instigatrice de toutes nos folles aventures.
Quand tu étais malade, tu t’inquiétais, car tu ne pouvais pas m'offrir une chose dont j'avais besoin d'après toi. Mais tu n’avais pas à t’en faire. Comme je t’ai dit à ce moment-là, il n'y avait aucun besoin car je t’aimais tant, de tant de façons différentes. Et maintenant, c’est encore plus vrai, tu ne peux rien me donner, pourtant je t’aime tellement que tu bloques mon chemin, celui qui me permet d’aimer quelqu’un d’autre, mais je veux que tu restes là. Toi, décédée, tu es tellement mieux que n'importe qui vivant.
Je sais, tu vas me dire que je suis un idiot et que tu veux que je sois pleinement heureux et que tu ne veux pas bloquer mon chemin. Je parie que tu es surprise que je n'aie pas encore de petite amie (sauf toi, ma chérie) après deux années. Mais tu n'y peux rien, ma chérie, et moi non plus. Je ne comprends pas, car j'ai rencontré de nombreuses femmes, certaines très bien et je ne veux pas rester seul. Mais après deux ou trois rencontres, elles semblent poussières. Il ne reste que toi. Tu es réelle.
Ma femme chérie, je t'adore.
J'aime ma femme. Ma femme est morte.
Rich
PS : Excuse-moi de ne pas envoyer cette lettre, mais je n'ai pas ta nouvelle adresse
Richard Feynman, l'un des plus grands physiciens de tous les temps, a écrit cette lettre à sa défunte épouse Arline seize mois après sa mort. L'homme, brillant et charismatique, avait aussi beaucoup d'humour. Il termine donc cette tendre lettre par un PS qui nous redonne un peu de légèreté avant de quitter cette page...
