Colère refoulée : trouvez les bénéfices
Dans l'article précédent, je vous ai expliqué pourquoi extérioriser sa colère refoulée en cognant sur un sac de frappe (ou un coussin, ou la poupée Barbie vintage que votre sœur essaie désespérément de vendre sur eBay) était un peu comme mettre de l'huile sur le feu.
Et ceci contrairement à tous les conseils que vous avez pu dénicher dans les livres qui prennent actuellement la poussière dans votre bibliothèque.
Dans cet article, je vous présente une manière simple et relativement rapide de gérer une colère refoulée avant que celle-ci ne prenne la proportion du tremblement de terre de Los Angeles en 1994.
Est-ce une méthode infaillible qui a l'incroyable pouvoir de balayer toute colère en 5 minutes et la faire disparaître ? Non pas vraiment, croyez-en l'avis d'un colérique repenti.
Mais c'est définitivement une méthode à rajouter à votre boîte à outils car elle fonctionne.
Un ego meurtri
Réfléchissons deux minutes sur le pourquoi d'une colère. Les déclencheurs peuvent être multiples. Il peut y avoir un épisode majeur, une agression par exemple, qu'elle soit physique ou verbale.
Parfois, c'est une liste de petites frustrations qui s'accumulent, comme les différentes couches d'un oignon lorsque celui-ci se développe en terre. Et une fois le bulbe terminé, le produit fini fait définitivement pleurer.
Mais laissons les déclencheurs de côté car la diversité est grande, et chaque colérique aura ses gâchettes. Parlons plutôt de ce qu'il se passe à l'intérieur de la cocotte-minute.
Au final, c'est toujours l'ego qui est meurtri. On a abîmé qui je suis, ma position familiale ou sociale. On a meurtri mon sentiment de pouvoir et d'importance. On m'a repris mes droits, droits d'évoluer en société sans me faire bousculer et sans que l'on perturbe mon petit équilibre bien à moi.
Le colérique sera ensuite très consciencieux de balayer chaque épisode sous le tapis "pour bien faire", la fameuse colère refoulée, jusqu'à ce qu'il y ait assez de saletés sous le tapis pour faire un trou (moment que le colérique connaît bien et que nous appellerons l'explosion).
La question que je me suis donc posée il y a pas mal d'années est la suivante : comment retourner cette situation comme une crêpe ?
Comment transformer ce flux d'évènement perçu d'une manière très négative en un flux positif ?
Quelque part à Miami...
Non, rien à voir avec Crockett et Tubbs, les chemises ouvertes jusqu'au nombril avec la chaîne en or qui brille (et si je vous ai perdu, révisez vos classiques 😉 ) Je voulais vous parler ici d'une étude qui va m'aider à construire mon argument.
McCullough et ses collègues à l'université de Miami (1) recrutent 304 étudiants et leur demandent de réfléchir au sujet de l'épisode le plus récent pendant lequel ils se sont sentis offensés par quelqu'un : agressions, insultes, humiliation, etc.
En d'autres termes, quelque chose qui les ronge et qui entretien une colère refoulée.
Ensuite, on divise le groupe en 3 :
- Groupe 1 doit décrire d'une manière détaillée comment cet épisode les a blessés et participe à leur colère. En d'autres termes, le groupe 1 se concentre sur les points négatifs de l'épisode.
- Groupe 2 doit décrire d'une manière détaillée comment cet épisode a contribué à leur vie d'une manière positive, comment il a pu constituer une leçon qui les a fait grandir.
- Groupe 3 doit décrire ce qu'ils vont faire le lendemain (une activité neutre qui permet aux chercheurs d'avoir un groupe "contrôle" afin de contraster les résultats des groupes 1 et 2).
Pour finir, on demande à tous les participants de remplir un questionnaire qui permet aux chercheurs d'évaluer leurs pensées et sentiments au sujet de la personne qui les a blessés.
Résultat des courses, les personnes du groupe 2 sont :
- Plus à même de gérer leur colère refoulée ;
- Plus à même de pardonner à la personne qui les a offensés ;
- Moins à même de se venger contre cette personne ;
- Mois à même d'essayer d'éviter cette personne à tout prix.
Quelques minutes d'écriture au sujet des bénéfices d'un épisode provoquant une colère refoulée permettent de mieux gérer cette colère.
Quelques minutes + une feuille de papier. Qui dit mieux ?
Les questions et bénéfices possibles
Voici une liste de questions que les chercheurs ont utilisée et qui pourront vous aider à faire votre exercice :
- De quelle manière ce que cette personne vous a fait peut apporter des conséquences positives dans votre vie ?
- De quelle manière votre vie est-elle devenue meilleure grâce à cet épisode blessant ?
- De quelle manière la personne que vous êtes aujourd'hui est-elle devenue meilleure grâce à cet épisode blessant ?
- Y a-t-il d'autres bénéfices que vous pourriez envisager dans le futur ?
Essayez de lâcher prise, de vous détacher de la partie négative de l'évènement, de vraiment réfléchir d'une manière profonde.
Et surtout, essayez de rester honnête envers vous-même et de ne pas inventer de choses auxquelles vous ne croirez pas. Sinon l'exercice ne fonctionnera pas.
Voici maintenant une liste de bénéfices que les étudiants ont donnés avec le pourcentage d'apparition dans les réponses. Je vous donne cette liste non pas pour vous influencer, mais pour vous inspirer si vous êtes bloqué.
En d'autres termes, faites l'exercice d'abord d'une manière la plus sincère possible, puis revenez voir cette liste pour vous donner encore plus d'idées.
| Bénéfice | Pourcentage |
| Je suis devenu plus fort et je me suis découvert des forces que je ne connaissais pas | 55 |
| J'ai gagné en sagesse (je suis moins naïf, je prends mon temps pour faire confiance dans une relation) | 44 |
| Cet épisode m'a permis d’acquérir une nouvelle expérience de vie | 29 |
| Cet épisode m'a permis de renforcer d'autres relations | 26 |
| Je suis devenu meilleur à communiquer mes sentiments | 25 |
| J'ai mis fin à une mauvaise relation | 25 |
| J'ai plus confiance en moi | 23 |
| Je suis devenu plus gentil, j'ai plus de compassion, je suis moins égoïste | 21 |
| Je suis devenu plus conscient des sentiments des autres | 20 |
| J'ai renforcé ma relation avec la personne qui m'a offensé | 19 |
| J'ai appris l'importance de pardonner | 18 |
| J'ai appris ce qui est nécessaire à une bonne relation amoureuse | 12 |
| Je suis moins concerné par l'opinion des autres et je ressens moins le besoin de leur plaire | 12 |
| J'ai réalisé l'importance des choses et des relations qui sont autres que les relations amoureuses | 8 |
| J'ai appris ce qu'il fallait ne pas faire dans une relation amoureuse | 8 |
| J'ai appris les qualités qu'il faut rechercher dans les amis | 8 |
| J'ai appris l'importance de gérer ma colère et de garder la tête froide | 7 |
| J'ai appris à me défendre | 6 |
| J'ai appris à apprécier ce que j'ai | 6 |
| J'ai appris l'importance de m'occuper de moi | 6 |
| J'ai appris ce qu'il fallait rechercher dans un partenaire amoureux | 5 |
| J'ai plus confiance dans mes croyances | 5 |
| D'autres parties de ma vie se sont améliorées : exercice physique, expression artistique, mes études, etc. | 4 |
| J'ai appris l'importance de faire confiance à mon instinct | 4 |
| J'ai clarifié mes orientations sexuelles | 3 |
| J'ai appris l'importance de réfléchir aux conséquences de mes actions | 2 |
| Je suis devenu un défenseur des personnes qui se retrouvent dans des situations similaires | 2 |
| J'ai découvert un sens à ma vie ou un objectif à atteindre | 2 |
Colères refoulées : le mot de la fin
Ne laissez pas une colère refoulée s'infecter comme une vieille plaie qui n'aurait pas été soignée.
S'il vous arrive un épisode qui vous a perturbé, que vous savez très bien qu'il va attiser votre tempérament colérique au fil du temps, donnez-vous 10 minutes pour faire cet exercice.
10 minutes maintenant plutôt que de devoir gérer les dégâts de vos explosions, ce n'est pas cher payé je trouve.
(1) McCullough ME, Root LM, Cohen AD. Writing about the benefits of an interpersonal transgression facilitates forgiveness. J Consult Clin Psychol. 2006 Oct;74(5):887-97.
