Extérioriser sa colère : attention à l'huile sur le feu
Étant un grand colérique de nature, j'ai essayé, au cours de ma vie, de nombreuses méthodes pour essayer de me "soigner".
Dans cet article, je vais vous parler d'une méthode qui a été conseillée dans de nombreux livres et de de nombreux pays.
C'est probablement la méthode la plus célèbre et la plus utilisée par le colérique pour extérioriser sa colère : la méthode du punching-ball.
Personnellement, je l'ai rapidement mise au tiroir car j'avais l'impression qu'elle me rendait encore plus... comment dire... colérique 🙂
Ceci a été confirmé par la science, et ce n'est que récemment que j'ai pris connaissance d'études faites sur le sujet.
Allez, on épluche tout ça.
Pourquoi extérioriser sa colère ?
Le colérique est bien conscient du fait que lorsqu'il explose, il va devenir une nuisance pour ses proches. Il apprend donc, par réflexe, à étouffer par tous les moyens ses sentiments volcaniques et réprimer une colère qui monte.
Les raisons de cette colère peuvent être multiples : contrariété, critique, stress, etc. Peu importe. On sent que ça monte, mais on va tenter du mieux possible de balayer ce sentiment sous le tapis. Ça, c'est le matin à 8h30 après la queue de poisson de l'autre #%§&@!!! sur l'autoroute.
A midi, on pense encore à la queue de poisson. La tension est toujours bien présente. Mais bon, on rajoute par dessus 2 ou 3 critiques injustifiées du patron, et le fait qu'on a oublié le portefeuille à la maison et qu'on ne peut pas aller s'acheter son sandwich.
A 16h30, en état d'hypoglycémie, on passe chercher les gamins à l'école et on est convoqué par le directeur qui attend au portail. Comme pour les lasagnes, on en rajoute une couche.
A 19h00, en accrochant la porte du garage en essayant de garer la voiture tout en évitant le vélo de notre adolescent préféré, on se sent un peu Vésuve en l'an 79.
Bref, on sent que le cataclysme arrive... on a tellement refoulé de choses au sous-sol qu'on arrive plus à fermer la porte. Avant qu'il ne soit trop tard, on va essayer d'extérioriser sa colère.
Extérioriser sa colère sur le sac de frappe
Des générations d'auteurs et d'experts ont distribué aux colériques, un peu comme des tic-tacs, la recommandation suivante : il faut extérioriser sa colère ! Faites sortir ! Allez cogner le punching-ball. Ou le coussin, ou la porte du frigo (ça fait un peu plus mal).
Allez-y, criez, donnez des coups de pied dans un vieux matelas, devenez hystérique dans l'intimité de votre chambre. Mieux vaut que ça sorte lorsqu'il n'y a personne autour, n'est-ce pas ?
Ensuite, vous vous sentirez tellement mieux, léger, délesté de votre colère refoulée. Les différentes frustrations du jour s'échapperont comme de la vapeur qui sort de la cocotte-minute.
Hmmm... vraiment ?
Non, je demande parce que moi, personnellement, ceci m'a toujours soulagé pendant une brève période pour ensuite me faire sentir encore plus tendu. On a donc repoussé l’éruption du Vésuve de 30 minutes, sauf qu'au passage, on a fait bouger l'aiguille du manomètre vers le haut.
Suis-je le seul à réagir de la sorte ?
Il s'avère que la science avait la réponse pour moi : point du tout. Je suis même plutôt dans la normale !
Extérioriser sa colère ne la calme pas
Brad Bushman, chercheur à l'université d'Iowa State, décide de recruter 600 étudiants. Ces jeunes gens doivent écrire une dissertation sur l'avortement (1). Déjà, on est d'accord, sujet plutôt houleux.
Ensuite, on explique aux étudiants qu'un autre étudiant va revoir et corriger la dissertation. Sauf qu'en réalité, les chercheurs, ces petits farceurs, apposent la mention suivante sur toutes les dissertations : "ceci est la pire dissertation que je n'ai jamais lue !"
Maintenant, vous avez 600 étudiants qui sont furieux et ressentent une injustice profonde, pensant que l'étudiant correcteur est probablement d'opinion inverse sur le sujet de l'avortement.
Ensuite, on place certains étudiants seuls dans une salle avec un punching-ball et une photo du soi-disant correcteur. On leur dit de penser au correcteur en regardant la photo et de frapper le punching-ball si nécessaire. On mesure le nombre de coups grâce à un micro situé dans la pièce.
Les autres étudiants sont aussi placés seuls dans une pièce, mais sans punching-ball ni photo, et on leur demande de rester calmes pendant quelques minutes.
Attendez, c'est pas fini !
Ensuite, on prend chaque étudiant et on lui fait jouer à un jeu avec un autre étudiant. Le gagnant a la possibilité d'administrer un fort bruit dans la figure du perdant, avec un objet de type corne de brume, je suppose. Le gagnant peut déterminer la longueur et l'intensité du son.
Résultats :
- Ceux qui ont frappé dans le sac sont plus agressifs
- Ils sont plus en colère
- Ils sont moins positifs
- Ils choisissent un bruit plus long
- Ils choisissent un bruit plus intense
Attention à l'huile sur le feu !
La conclusion est simple, et ce n'est pas moi qui vais vous la donner. C'est Bushman.
"Est-ce qu'extérioriser sa colère éteint ou avive la flamme ? Les résultats de cette étude démontrent qu'extérioriser sa colère pour la réduire est comme verser de l'huile sur le feu - cela ne fait qu'alimenter la flamme."
Ceci a été confirmé par d'autres études. Il semble que nous ayons un consensus sur le sujet.
Laissez tomber le sac de frappe, le matelas et la destruction à coups de pied de l’abri de jardin de tata Yvonne.
Ne perdez pas votre temps, n'apparaissez pas comme un déjanté au voisin qui vous a vu par la fenêtre de votre chambre en train de hurler dans un coussin.
Et surtout, n'aggravez pas la situation qui est déjà assez instable.
On va parler de méthodes qui fonctionnent dans de prochains articles. Celle-ci par exemple.
(1) Bushman, Brad. (2002). Does Venting Anger Feed or Extinguish the Flame? Catharsis, Rumination, Distraction, Anger, and Aggressive Responding. Personality and Social Psychology Bulletin. 28. 724-731. 10.1177/0146167202289002.