Chercher d'abord à comprendre l'autre (Habitude 5)

Chercher à comprendre l'autre avant d'être compris est probablement l'habitude du modèle Covey la plus dure à mettre en place. Et pourtant, c'est celle qui a eu le plus d'impact dans ma vie.

(Ceci est le huitième article de ma série "Stephen Covey - Les 7 habitudes")

Si vous avez atterri sur cet article depuis votre moteur de rechercher préféré et que vous n'avez pas le contexte, merci de commencer ici (sinon vous serez un peu perdu, ce qui serait dommage).

Nous rentrons ici dans la 5e habitude du modèle de Covey. Les habitudes 1, 2 et 3 se concentrent sur des victoires personnelles et intérieures. Avec les habitudes 4 et 5, nous passons aux relations humaines nécessaires pour bâtir un modèle d'interdépendance.

Je vais aborder cette habitude de mon point de vue et avec mon expérience. En effet, vu mon caractère un peu... explosif, cette habitude m'a permis de mieux gérer les conflits. Mais comme vous le verrez, cette habitude peut s'appliquer à toute situation dans laquelle vous devez trouver un accord avec l'autre personne.

Comprendre l'autre


Des gamins dans un train

Covey démarre avec une histoire qui vous scotche au mur. Du moins, c'est l'effet qu'elle m'a fait. Je ne vais peut-être pas coller exactement à l'histoire, mais le plus important est là.

Covey est tranquillement installé dans le train lorsque des gamins commencent à perturber sa tranquillité. Ils courent, ils crient, ils font tourner des têtes. Le père est assis sur son siège, le regard dans le vide et ne fait absolument rien.

Notre cher Stephen décide donc d'interpeller la personne pour lui dire ses quatre vérités, il n'a qu'à bien tenir ses gamins après tout. Une fois que ceci est fait, il se sent plus léger. A ce moment-là, le père des enfants explique qu'il revient juste de l’hôpital. Sa femme, qui souffre d'une maladie grave, est en phase terminale. Elle n'en a plus pour longtemps. Il se demande donc comment il va annoncer cela à ses enfants ce soir.

Ça calme, non ?

 


Chercher à comprendre l'autre

Ce qui nous amène donc à la fameuse 5e habitude, chercher à comprendre l'autre avant d'être compris.

La logique est simple. Lorsque nous avons une situation (tendue ou pas) en face de nous, une situation qui implique d'autres personnes, nous ne pouvons pas bien la gérer tant que nous n'avons pas compris les personnes en face de nous.

Dans quel état d'esprit sont-elles ? Traversent-elles des difficultés qui vont changer la manière dont elles voient les choses ? Ont-elles vécu des situations similaires dans leur passé qui font qu'elles sont déjà biaisées positivement ou négativement ?

Une fois ceci compris, nous pouvons enfin exposer notre point de vue et gérer la situation.

Nous avons une tendance à vouloir résoudre tout de suite une situation. Nous voulons réparer les choses. Mais avant de réparer, il faut faire un bon diagnostic. Et pour faire ce diagnostic, il faut écouter, écouter et écouter encore.

 


A l'inverse : je lui saute à la gorge

J'étais très impulsif dans mes jeunes années. Souvent plein de colère. Ma sœur, qui me connaissait bien, me disait qu'elle savait exactement quand il fallait s'enlever du milieu. "Des petites veines rouges commencent à apparaître dans le blanc de tes yeux" m'a-t-elle dit plusieurs fois 🙂  Il est fort possible que je sois monté à 20 de tension dans ces moments-là.

Je me souviens d'un épisode dont je ne suis pas très fier. J'étais à la plage, et en passant à côté d'une personne, j'envoie par mégarde un peu de sable sur sa serviette. Réaction immédiate de la personne "pouvez pas faire attention non !" d'un air très agressif. Je lui ai bien rendu en criant un peu plus fort. Il s'est alors fait tout petit, et le moi frustré de l'époque a considéré ceci comme une victoire.

Écraser quelqu'un, même si ce n'est que par le verbe, n'est jamais une victoire. Ceci nous rend, au contraire, plus petit. Mais je l'ai fait souvent dans un grand manque de sagesse.

Mais tournons-nous plutôt vers le positif : les leçons à retenir.

 


A la plage, version 2.0

Quelque années plus tard, je me retrouve exactement dans la même situation. En suivant le concept de Covey, je m'arrête une minute pour dire à la personne : "Effectivement, recevoir du sable lorsqu'on est tranquillement en train de se reposer, très moyen comme expérience".

L'homme apprécie mon geste. Il se relaxe et m'explique qu'il s'est un jour pris du sable dans les yeux et qu'il a dû finir aux urgences tellement la douleur était forte. Ceci avait même légèrement abîmé sa cornée. Nous avons discuté encore quelques minutes et j'ai compati avec lui. Je me suis excusé, puis il s'est excusé de s'être emporté.

C'est du gagnant-gagnant. Personne n'a été écrasé. La personne s'est sentie entendue. Je me suis senti satisfait car j'ai agi d'une manière mature, et j'ai aussi été entendu car la personne s'est excusée elle aussi.

Après-midi zen sur la plage 🙂

 


En rollers sans casque...

Autre épisode. Au début de la folie du roller-blade (ça fait un bail, hein !) j'étais en train de zoomer sur les chemins piétons d'une grande ville Canadienne. Un homme d'une soixantaine d'années m'interpelle d'une manière très agressive. C'est presque s'il ne m'attrape pas par le t-shirt.

Je m’apprête à montrer les crocs, lorsque je me souviens de mon pote Stephen. Inspirer... expirer... OK je suis prêt. Je montre mon plus beau sourire, avé les dents, et je demande à cet homme ce que je peux faire pour lui.

Il me crie, très énervé, qu'il faut toujours mettre un casque lorsqu'on fait du roller. Il a raison, mais je ne peux pas m'empêcher de lui dire "ça vous regarde en quoi ?"

Réponse glaçante : "Mon fils a fait une chute en VTT l'année dernière. Il avait 28 ans. Et il ne portait pas de casque. Il est mort sur le coup. S'il vous plaît, si vous tenez à votre vie, mettez un casque !"

Nous avons ensuite discuté quelques minutes, je lui ai promis de mettre un casque dorénavant, et je l'ai toujours fait. Je l'ai aussi remercié. J'ai eu de la gratitude envers cet homme. Si je n'avais pas compris son histoire, je serais reparti avec la colère au ventre.

 


Un esprit inquisiteur pour comprendre l'autre

Avec le recul des années, je trouve que la meilleure manière d'intégrer la 5e habitude de Covey est d'avoir un esprit inquisiteur.

Soyez curieux. La personne en face de vous est un être humain avec son histoire qui lui est propre. Tout d'abord, faites lui comprendre que vous l'avez compris. Expliquez que "effectivement, si j'étais à votre place, je ne serais pas content du tout" s'il y a une situation de tension.

S'il n'y a pas de tension, encore mieux. Écoutez avec un seul objectif : comprendre. Notez bien la chose suivante car elle est très importante : en général, nous écoutons avec un seul objectif : répondre. Il faut changer de modèle. N'écoutez pas tout en formulant une réponse en parallèle dans votre tête car là, vous n'écoutez plus. Vous ruminez.

S'il y a une situation de tension, alors cette habitude est la seule valable pour faire baisser cette tension.

Une fois que vous avez écouté, engagez la conversation d'une manière calme. Vous verrez, des informations vont ressortir. La personne va vous livrer les raisons de sa frustration. Ensuite, vous serez en mesure de mieux réagir. Et si vous faites les choses dans cet ordre, il est fort possible que la personne finisse par vous remercier ou même s'excuser d'avoir réagi si fortement. Cela m'est arrivé plusieurs fois.

Notez que comprendre l'autre ne veut pas nécessairement dire être d'accord. Juste que vous comprenez vraiment, d'une manière sincère, intellectuellement et émotionnellement, la position de la personne.

 


4 étapes pour comprendre l'autre

Covey donne les 4 étapes suivantes :

 

(1) Répéter ce que la personne vous a dit

Si votre ami vous a dit "l'autre jour, tu t'es moqué de ma manière de dessiner devant les autres, je sais que tu l'as fait pour taquiner, mais c'était pas sympa". Alors vous sites "donc si j'ai bien compris, l'autre jour, lorsque je me suis moqué de ta manière de dessiner, tu as trouvé que ce n'était pas sympa, c'est bien ça ?"  Cela peut paraître insultant pour la personne, mais c'est une première étape.

Vous n'évaluez pas la situation, vous ne posez pas de question, vous ne donnez pas de conseil. Au moins, vous montrez que vous portez attention à la personne.

 

(2) Reformuler ce que la personne vous a dit

Cette étape est un peu plus fine, mais elle est toujours limitée.
Votre adolescent vous dit "Pfff j'en ai plein le dos, le lycée, c'est pour les nases !" (note, le mot "dos" remplace ici un autre mot en 3 lettres populaire chez les ados mais censuré ici).
Vous répondez "Tu ne veux plus continuer tes études".

Cette fois, vous avez rajouté des informations en plus, une interprétation.

 

(3) Évoquer les émotions

Votre adolescent vous dit "Pfff j'en ai plein le dos, le lycée, c'est pour les nases !"
Vous répondez "Je vois que tu es vraiment frustré en ce moment".

La frustration est un sentiment, contrairement à "tu ne veux plus continuer tes études" qui est un fait.

 

(4) Reformuler en évoquant les émotions

Cette fois vous répondez "Tu es vraiment frustré au sujet de tes études". Vous connectez les émotions au contexte. Ceci peut sembler être un détail, mais c'est en fait une étape majeure. Tout à coup, la personne se sentira comprise, vraiment comprise. De plus, vous allez aider la personne à gérer ses propres pensées et émotions.

Ceci va déclencher une suite constructive à la discussion...

 


Une bonne habitude en rétrospective

Lorsqu'il y a conflit, même si vous n'avez pas pu gérer la situation de cette manière, vous pouvez utiliser cette règle en rétrospective.

Il m'est parfois arrivé de me faire agresser verbalement. Ou parfois une personne m'a fait du tort. Et parfois, je n'ai pas pu réagir sur le coup. Dans le passé, je serais rentré chez moi et j'aurais ressassé cet épisode des centaines de fois... vous connaissez je pense, la petite voix qui tourne en boucle - ce que j'aurais pu faire - ce que j'aurais dû dire - etc. Pensées obsessives !

La 5e habitude me permet de raisonner différemment. Je me dis que cette personne traversait probablement une situation difficile. Peut-être qu'elle a des problèmes de famille ou de santé. Peut-être que ça cloche financièrement et professionnellement. Je remets donc les choses en perspective.

Ensuite, je m'imagine en train d'avoir la discussion avec la personne, discussion que je n'ai pas pu avoir. Je visualise cette personne en train de m'expliquer ses problèmes. Au final, le ton descend et nous repartons tous les deux dans le calme.

Certains diront que je me fais des films dans ma tête. Mais vous savez quoi ? Si cela contribue à notre bonheur, pourquoi ne pas se faire des films ?

Écran géant, 4K, Dolby stéréo, vous m'amènerez une mousse avec mes pop-corns !

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