Pensez gagnant gagnant (Habitude 4)

Que l'on parle d'environnement au travail ou à la maison, une relation durable ne peut se construire que sur un modèle gagnant gagnant. Je vous explique en détail ce que ceci veut dire dans cet article.

(Ceci est le septième article de ma série "Stephen Covey - Les 7 habitudes")

Si vous avez atterri sur cet article depuis votre moteur de rechercher préféré et que vous n'avez pas le contexte, merci de commencer ici (sinon vous serez un peu perdu, ce qui serait dommage).

Nous rentrons ici dans la 4e habitude du modèle de Covey. Les habitudes 1, 2 et 3 se concentrent sur des victoires personnelles et intérieures. Ici, nous passons aux relations humaines nécessaires pour bâtir un modèle d'interdépendance.

Le modèle gagnant gagnant

 


Les 6 modèles d'interaction

Dès que vous devez trouver un accord avec une personne, l'interaction peut suivre 6 modèles différents. Nous n'en sommes souvent pas conscients, et Covey nous aide ici à formaliser l'interaction dans notre tête et à comprendre que parfois, nos actions ne sont pas alignées avec la vision d'une relation durable.

 

(1) Gagnant gagnant

Dans ce modèle, nous recherchons le bénéfice mutuel dans chaque interaction. Les deux personnes sont satisfaites de la tournure des choses et se sentent impliquées dans le plan d'action qui en découle.

Ce modèle est coopératif et non compétitif. Vu la nature du monde actuel, on peut dire qu'il va à contresens, à une période ou tout doit se faire rapidement, en prenant des raccourcis, et au détriment d'une relation solide.

Le modèle compétitif est basé sur la peur du manque (pas assez pour tout le monde), sur la pénurie. Le modèle coopératif gagnant gagnant est basé sur l'abondance, il y aura assez pour chacun de nous. Le succès d'une personne ne se fait pas au détriment de l'autre.

 

(2) Gagnant perdant

C'est le modèle de la course à la récompense. Une seule personne gagne, les autres perdent.

Ceci implique une approche autoritaire, j'impose ma manière de faire et de voir les choses, vous devez me suivre. Les personnes qui pensent gagnant-perdant utilisent leur position, leur force, leur pedigree, leurs possessions ou leur personnalité pour s'imposer.

Nous avons été formaté pour suivre ce modèle dès la petite enfance. Le système éducatif continue souvent à propager ce modèle (premier de la classe, premier prix, etc).

Dans les familles, les enfants sont souvent comparés les uns aux autres. L'amour est souvent donné d'une manière conditionnelle. Ceci mène donc à la course à l'affection, à la conclusion que l'amour existe en quantité finie dans une famille, si tu y as droit, il y en aura moins pour moi.

La question suivante semble ridicule : "qui gagne dans ta relation amoureuse, toi ou ton conjoint ?"

Idem pour celle-ci : "qui gagne le plus d'amour, ta fille aînée ou la plus jeune ?"

Et pourtant, en pratique, nous agissons très souvent dans cette mentalité.

 

(3) Perdant gagnant

Certaines personnes sont programmées de cette manière.

"Vas-y, fait ce que tu veux, de toute façon tout le monde m'ignore, comme d'habitude."

"Je perds, c'est ma personnalité, je n'ai jamais gagné et je pense que ça va continuer toute ma vie."

Certaines attitudes perdant-gagnant sont plus subtiles, plus cachées :

"Je suis pacifiste, mon but est de ne pas rentrer en conflit, je ferai tout pour garder la paix."

Ces personnes n'ont pas de demandes, pas d'attentes, pas de vision. Elles sont rapides à capituler, à faire plaisir, à se faire accepter, à apaiser (éviter) une situation qui mériterait qu'on la confronte. Elles sont souvent axées sur la popularité ou l’acceptante des autres, intimidées par la personnalité des autres.

Le problème est le suivant : ces personnes vont enfouir énormément de frustrations tout au long de leur vie, elles pensent que c'est le prix à payer d'être "la personne sympa du groupe". Mais un jour, tout ceci ressurgit comme le volcan qui entre en éruption. Déception, cynisme, colère et rage font souvent surface.

Notez qu'en tant que parent ou membre d'une entreprise (ou association, ou autre), nous faisons souvent le yoyo entre gagnant-perdant et perdant-gagnant. Si j'ai gagné la fois précédente, je vais te laisser gagner cette fois-ci sinon je ne pourrai plus vivre ou travailler en paix avec toi. Ces deux positions-là sont des positions faibles.

Ou alors on fait le transfert du travail à la maison. Vu que j'ai perdu au travail, que je me suis fait écraser, je vais écraser tout le monde à la maison. Ou trans-générationnel : je me suis fait écraser en tant que gamin, à mon tour d'écraser mes gamins.

Exceptions :

  • Parfois, si la personne en face de vous compte vraiment et le résultat de la négociation n'est pas vraiment important pour vous, vous pouvez décider de choisir perdant-gagnant pour le bien de l'autre personne. Dans ce cas, expliquez votre position : "Ce que je veux n'est pas aussi important que ma relation avec toi. Faisons comme tu le souhaites cette fois."
  • Parfois, entamer des négociations qui n'en finissent plus n'en vaut tout simplement pas la chandelle, ceci n'est pas aligné avec vos valeurs. Ceci n'est pas une attitude passive et ne créera pas de la frustration. C'est un choix aligné sur vos valeurs.

 

(4) Perdant perdant

Lorsque vous mettez deux personnes qui sont entêtées, obstinées, dominantes et avec un ego important, le résultat sera souvent perdant-perdant. En d'autres termes, je préfère perdre en te faisant perdre toi aussi, plutôt que de te voir gagner quoi que ce soit.

Covey raconte l'histoire de cet homme qui traverse un divorce. Le juge l'oblige à vendre ses possessions et donner la moitié de l'argent obtenu à sa femme. Il décida de vendre une voiture qui valait 10.000$ pour 50$, le tout pour avoir la satisfaction de donner à son ex-femme seulement 25$. Et au passage se priver de 4975$ en plus qui auraient pu rentrer dans sa poche.

Le modèle perdant-perdant est classique lorsque l'autre personne est considérée comme l'ennemi. C'est la philosophie du conflit, de la guerre.

 

(5) Gagnant

Les personnalités qui pensent seulement gagnant ne veulent pas forcément que l'autre personne perde. Il y a moins de malice. Disons un petit peu moins, car pour eux, l'autre personne ne compte simplement pas. Tant qu'ils gagnent, le reste du monde peut s'écrouler.

 

(6) Gagnant gagnant ou pas d'accord

Ceci est la position la plus mature, la plus désirable. Elle dit la chose suivante : si nous n'avons pas réussi à créer une vraie synergie, à trouver une position qui nous bénéficie à tous les deux, nous arrêtons la discussion ici. Nous nous respectons l'un l'autre, avec nos différences.

Lorsque cette option est possible, elle est libératrice car elle ne force pas les deux partis à absolument trouver un accord, ce qui amènera à un compromis, et un compromis n'est optimal ni pour l'un ni pour l'autre. Ceci réduit le besoin de manipuler l'autre personne.

Cette option implique le courage de dire "je préfère ne pas trouver un accord avec toi plutôt que d'avoir un modèle dans lequel tu es frustré, ou je suis frustré".

Ce modèle est uniquement applicable au début d'une relation commerciale par exemple. Dans une relation commerciale bien établie, ou dans la vie de famille, ceci n'est évidemment pas possible. Il faut en général trouver un accord. Dans ce cas, le modèle gagnant-gagnant avec compromis est acceptable.

 


Migrer vers gagnant gagnant

Vous travaillez peut-être avec des personnes qui ne pensent que gagnant-perdant, c'est le modèle le plus répandu dans notre société. Idem en famille, inconsciemment il peut y avoir de la concurrence et un esprit gagnant-perdant.

Vous-même venez peut-être d'un modèle gagnant-perdant. C'est même fort probable vu que la société nous formate de cette manière. Je viens de ce monde-là moi aussi.

En premier lieu, l'effort doit provenir de vous. Montrez à la personne que vous êtes respectueux, à l'écoute, que vous l'appréciez d'une manière sincère. Oui je sais, c'est parfois très dur en particulier si la relation est dans un état branlant. Mais c'est la seule manière qui donne des résultats.

Écoutez la personne, comprenez son point de vue, et faites des propositions qui, en priorité, donnent satisfaction à la personne tout en vous permettant d'atteindre vos objectifs.

N'abandonnez pas. Ceci peut parfois être long. Il faut faire des pauses, y revenir le lendemain, proposer d'autres idées qui vous seront peut-être venues pendant la nuit.

Et si la personne est tellement verrouillée dans le gagnant-perdant qu'elles ne peut pas bouger de sa position, n'oubliez pas qu'il y a l'option "pas d'accord" lorsque c'est possible, ou l'option "compromis" qui est une pale version de gagnant-gagnant, mais parfois la seule alternative.

 


Mon expérience personnelle

Lorsque mes enfants étaient jeunes, j'ai toujours eu un style plutôt autoritaire. J'étais persuadé que c'était le seul style qui fonctionnait. Et il fonctionne, car on impose par la force une décision à des enfants. Parfois, c'est justifié. Mais souvent, c'est la facilité. J'étais donc plutôt dans le gagnant-perdant.

Puis l'adolescence est arrivée, avec ses turbulences, et j'ai dû complètement changer de style avec l'un de mes fils. Il avait l'impression d'être complètement incompris, l'atmosphère était constamment tendue et explosive, et mon style ne fonctionnait absolument plus.

Pendant plusieurs mois, je me suis remis en question. J'ai décidé de vraiment l'écouter et d'essayer de le comprendre. Au fil des semaines, les discussions sont devenues de plus en plus constructives. Il a fallu que je fasse preuve de bonne volonté d'abord, mais ensuite, il a lui aussi fait preuve de bonne volonté.

A partir de ce moment-là, notre relation a commencé à être vraiment constructive, mature, solide. Je lui parlais plutôt comme conseiller et ami, et pas en tant que père (il a fallu du lâcher prise de ma part). Je comprenais son point de vue, son besoin de liberté même si cela ne correspondait pas à mes valeurs. Et il comprenait mon point de vue, mes inquiétudes, mes peurs.

C'est à partir de cette période que nous avons vraiment commencé à agir gagnant-gagnant tous les deux (et il y a encore des ratés, on est d'accord). Il a fallu que je le vive pour pleinement comprendre ce que Covey voulait dire dans ses explications.

Ceci peut s'appliquer aussi bien en famille qu'au travail. Il faut des semaines, parfois des mois pour que la personne comprenne que vous êtes vraiment intéressé par le modèle gagnant-gagnant et pas juste une façade, un manipulateur. En particulier si vous avez établi un modèle gagnant-perdant dans le passé vous aussi.

 


Un accord gagnant-gagnant

Lorsque vous pensez que c'est utile, Covey suggère de mettre en place un accord entre vous et la personne. Ceci peut être quelque chose d'informel, que vous expliquez à un enfant par exemple d'une manière verbale. Ou ceci peut être plus formel, par écrit, pour une situation professionnelle.

Covey recommande d'inclure les 5 éléments suivants :

  • Résultats désirés (et pas les méthodes employées), ce qui doit être fait et quand ;
  • Directives particulières (règles à suivre, etc) afin d'accomplir ces résultats ;
  • Ressources à la disposition de la personne - humaine, financière, technique, etc. afin d'accomplir les résultats ;
  • Évaluation, comment les résultats seront évalués, selon quels standards et quand ;
  • Conséquences, naturelles et logiques, qui découleront si les résultats sont satisfaisants ou pas (conséquences aussi bien positives que négatives).

Covey donne l'exemple d'un accord avec sa fille au sujet de l'utilisation de la voiture familiale.

  • Résultat : pouvoir conduire la voiture de famille ;
  • Directives : respecter les règles de la route, garder la voiture propre et en bon état, utilisation seulement pour des buts responsables, conduire les autres membres de la famille lorsqu'ils ont besoin d'un "taxi", le tout dans la bonne humeur et sans être rappelé ;
  • Ressources : la voiture, l'essence et l'assurance.
  • Évaluation : discussion tous les dimanche après-midi pour voir comment se passent les choses.
  • Conséquences : plus de voiture si ces règles ne sont pas respectées.

Remarquez la partie gagnant-gagnant ici :

  • Gagnant pour Covey : conduire les membres de la famille lorsque besoin (enfants allant au sport par exemple), ce qui lui permet de libérer de son temps ;
  • Gagnant pour sa fille : conduire la voiture quand elle veut.

L'accord gagnant-gagnant est basé sur la confiance. La personne se sent responsable. Elle atteint ses objectifs comme elle le veut.

Il faut parfois faire plusieurs passes comme vous pouvez vous en douter. Nous ne sommes pas en train de dire que développer un tel accord avec un enfant ou un adolescent à qui on n'a jamais fait confiance va réussir du premier coup. Mais en général, si l'esprit gagnant-gagnant est vraiment derrière chaque discussion, il n'y a pas de raison que cela échoue.

Et puis qu'avez-vous à perdre ? Essayez et voyez comment les choses évoluent pour vous. Pour l'avoir vécu, je peux vous dire que ce modèle fait une énorme différence dans la qualité des relations.

>> Aller au huitième article de la série <<