Méditation pour la douleur

OK, je vous vois arriver. Méditation pour la douleur ou contre la douleur ?

Peu importe. Ni pour, ni contre. Vous comprendrez pourquoi ce point est crucial.

Je parle de méditation dans le titre de cet article, mais je vais en fait me concentrer sur l'attitude face à la douleur. Ou devrais-je dire, sans prétention, l'attitude face à ma douleur. Une fois cette attitude comprise, on peut essayer de méditer en utilisant cette même attitude, voir si cela donne des résultats.

Cet article fait suite à un premier volet dans lequel je vous explique le contexte de cette réflexion. Douleur et souffrance sont deux concepts différents. Je vous ai aussi listé les gros films que je me fais dans mon mental et qui vont venir parasiter ma douleur.

Si vous n'avez pas lu cette première partie, je vous conseille de le faire ici.

Méditation pour la douleur... ou plutôt contre ?


Acceptation de la douleur

Je vais supposer que vous êtes suivi par votre médecin, que toute l'équipe fait de son mieux pour réduire votre douleur, mais qu'elle subsiste à un certain niveau.

Et vu qu'elle subsiste et qu'on ne peut pas faire mieux, eh bien... faut l'accepter ! Pleinement. Les bras ouverts.

Dialogue dans mon mental entre "l'enfant" et "le vieux sage" :

L'enfant : "Comment veux-tu que j'accepte quelque-chose qui fait mal ?"
Le vieux sage : "Mais quel choix as-tu ?"
L'enfant : "Mais c'est pas juste, depuis que ça dure, pourquoi moi, j'en ai marre quoi !"
Le vieux sage : "Oui, mais quel choix as-tu ?"

Lorsqu'on y pense, c'est un peu de la folie. On renie ce qui est. On se rebelle contre un fait inéluctable. 

Se mettrait-on en colère contre une pomme de pin qui nous tombe sur la tête ? Alors... certains le font, je le sais bien. Et il est fort possible (ok, probable) que j'ai envoyé, dans ma fougueuse jeunesse, quelques jurons envers ce pauvre Pinus halepensis. Mais à quoi bon ?

L'acceptation est libératrice. Elle ne signifie pas que l'on arrête les efforts pour améliorer la situation.  Au contraire, on les aborde beaucoup plus sereinement, avec plus d'énergie. Car on arrête la résistance contre ce qui est là, à l'instant T. On cesse de dépenser notre capital énergie pour pousser contre ce mur qui, à l'instant présent, ne bougera pas.

Mur, tu es mon ami.

Non-jugement.

Je ne suis pas pour ma douleur, c'est une évidence.

Je ne suis pas contre ma douleur, car elle est et il est futile de se battre contre ce qui est.

Je ne juge pas ma douleur. Elle n'est pas cruelle, vengeresse, vicieuse, pernicieuse, manipulatrice.

Elle est ce qu'elle est.

Elle est.


Au contraire, l'observer de près

Ce qui nous amène au point le plus important. Je n'ai rien inventé, ces concepts proviennent du Bouddhisme. Mais je les ai mis en pratique. Et ils fonctionnent.

Notre réaction instinctive, c'est de fuir la douleur. La fuir figurativement. La nier, la bloquer, l'ignorer.

Il faut, au contraire, essayer de s'en rapprocher, comme un enfant curieux se rapproche d'un nouvel objet. Cela fait un peu peur, hein ? Mais allons-y, essayons, tournons-nous (figurativement) vers elle.

Ma douleur aurait-elle une forme ?

Une taille ?

Ma douleur aurait-elle une couleur ?


Une apparition dans ma conscience

En l'observant, je finis par prendre de la hauteur, et je la vois comme une apparition dans ma conscience, de la même manière que ce rayon du soleil apparait dans mon champ de vision, que ce camion qui passe apparait dans mon champ auditif, que cette pression de la chaise apparait dans mon champ tactile.

Même chose. Ni mieux. Ni pire.

Le chant de l'oiseau n'est ni mieux ni pire que le rayon du soleil. Ce sont deux apparitions dans mon champ de conscience. Idem pour l'odeur de citron qui vient de la cuisine et la douleur qui vient de mon corps.

Elle est vaporeuse, sans forme, ni couleur, ni odeur. Au bout d'un moment, j'ai même du mal à dire si elle est en moi ou hors de moi.

Je reste présent au milieu de tous ces stimuli. Lorsque je me surprends en train d'interpréter, d'analyser, d'attirer ou de repousser, je me recentre sur ma respiration. Et je laisse apparaitre.

Je laisse apparaitre tout, même ma douleur.

20 minutes plus tard, ma douleur est toujours là, mais quelque part plus légère, sans la couche de crasse que j'ai tendance à empiler par-dessus...