Pourquoi la peur de donner de "faux espoirs" ?

Je discutais l'autre jour avec une connaissance qui m'a dépeint, une fois de plus, l'image d'un monde noir qui court à sa perte. J'ai en ce moment plusieurs personnes dans mon entourage qui ont une vue très pessimiste sur notre futur proche.

Je disais à cette personne : personnellement, je ne veux pas vivre dans cette vision des choses. Je choisis l'espoir.

Sa réponse : "tu te voiles la face, tu fais l'autruche, soit réaliste et ne te nourris pas de faux espoirs."

Et là, ça m'a frappé. C'est quoi cette histoire avec les "faux espoirs" ? Il y a quoi de faux dans l'espoir d'un futur meilleur ?

Donc coup de gueule dans cet article : blocus contre l'idée même des "faux espoirs". Bon, faut nuancer bien évidemment, c'est ce que je vais faire en dessous cette image qui n'a rien à voir avec le sujet (mais elle est jolie, non ?)

Faux espoirs : mon coup de gueule

 


Manipulation : le cas particulier

Je vais écarter tout de suite le cas particulier de la manipulation.

Exemple. Imaginons que je marche depuis 8 heures sur un chemin de grande randonnée dans le sud de la Corse, vers la mi-juillet, sans chapeau (quelle idée, on est d'accord 🙂 ). J'ai percé ma gourde il y a 6 heures et je suis en état de déshydratation. Vous me croisez et plutôt que de me donner une gorgée à boire, vous me dites "il y a une petite source qui t'attend juste après le virage, elle est pure et fraîche, tu vas te régaler !"  Je rampe jusqu'au virage pour m'apercevoir qu'une plaine de cailloux m'attend. Point de source.

Ça, c'est donner de faux espoirs. Et c'est mal, nous sommes d'accord. Car le choc de voir les cailloux plutôt que la source peut m'achever et faire que je vais me laisser dessécher sur place comme un vieux morceau de figatellu.

Je vais donc laisser ce type de scénario de côté. On va plutôt supposer que nous sommes entre personnes responsables et qui se préoccupent les uns des autres.

 


Scénario 1 : les faux espoirs dans le monde médical

Il me semble que le monde médical a cette peur gutturale de donner de faux espoirs aux personnes malades.

Surtout ne pas leur dire qu'ils peuvent s'en sortir si les statistiques ne sont pas en leur faveur ! Et au passage, balançons-leur les chiffes en pleine face, parce qu'il va bien falloir qu'ils acceptent, hein ?

"Madame Durand, je n'ai pas de bonnes nouvelles, basé sur vos analyses, il vous reste entre 6 mois et 1 an."

Ce verdict tombe comme la lame de la guillotine. Plutôt que de décider de se battre car il y a encore de l'espoir, la personne va souvent baisser les bras. A quoi bon se battre contre la logique froide et implacable des statistiques ? Et puis c'est le médecin qui l'a dit, la source d'autorité. Il ne peut avoir que raison. Au final, elle se conformera aux statistiques.

Lui dire qu'elle peut s'en sortir ? Qu'elle n'est pas une statistique ? Justement, refuser de lui donner les statistiques qui ne feront qu'une chose, c'est la faire glisser dans la boîte des condamnés ? Non, surtout pas, on risquerait de lui donner de faux espoirs !

S'il y a 1 chance de s'en sortir, 1 petite chance, pourquoi ne serait-ce pas celle de Madame Durand ? Lui expliquer la sévérité de la situation, oui. Lui présenter les différentes options devant elle, oui. Mais mentionner les statistiques déprimantes sous prétexte qu'elle ne doit pas faire l'autruche ? Non, ceci n'a rien de constructif.

Carl Simonton explique l'effet Pygmalion dans le monde de la santé, le fait que si l'on annonce une prophétie, la personne, inconsciemment, fera tout pour la réaliser.

S'il vous plaît, redonnons espoir à ceux qui soufrent, c'est clairement bon pour leur moral, mais c'est aussi excellent pour leur système immunitaire !

 


Scénario 2 : les faux espoirs dans l'environnement

Je connais bien la situation de notre planète. Moi aussi je m'inquiète, comment ne pas être inquiet ? Mais je veux aussi croire que de nouvelles manières de vivre existent, que nous arriverons un jour à nous mobiliser pour faire réellement bouger les choses.

Sinon, à quoi bon faire des efforts ? Si les dés sont jetés, pourquoi mettre le plastique dans la poubelle jaune, essayer d'économiser l'eau sous la douche et prendre les transports en commun ?

Non, je préfère croire qu'il est encore temps de se mobiliser, d'agir, de se retrousser les manches, de rencontrer des gens qui y croient eux aussi.

Et même si la voie est sans issue, n'est-ce pas la meilleure manière de vivre notre vie de tous les jours, dans l'espoir que nous pouvons reprendre contrôle de la situation ?

 


La peur d'être déçu

Ceux qui s'insurgent contre les faux espoirs sont ceux qui ont peur d'être déçus, soit car ils ont une grande sensibilité, soit car ils ont été souvent déçus par la vie.

J'ai moi-même une grande sensibilité et tout ce que j'entends aux nouvelles ou ce que je lis dans les journaux me touche beaucoup. C'est pour cela que j'ai décidé de me détacher des agressions visuelles et auditives faites pour nous vendre du sensationnel (et de la publicité surtout).

Plus jeune, j'ai fait la chasse aux faux espoirs moi aussi. J'étais le dur, le réaliste, celui qui disait aux gens ce qu'ils ne voulaient pas entendre. "Ben oui, faut vous y faire, rien ne sert de fuir, la réalité est dans les chiffres".

Au fond, ceci est en quelque sorte un mécanisme de protection. Si j'envisage la pire issue possible (d'ailleurs, ils appelleront souvent cette issue "le scénario réaliste"), je ne pourrai qu'être agréablement surpris si le meilleur arrive.

Je l'ai fait, je l'ai vécu.

Mais ça, pour moi, c'est fini. Car cela signifie vivre dans la crainte du futur, dans la déprime du sans issue, dans l'impuissance.

Aujourd'hui, je refuse les faux espoirs. Hors contexte de la manipulation, je ne vois que de vrais espoirs, des espoirs qui nous donnent l'envie de faire, de nous retrousser les manches, de nous unir, et surtout de sourire à la vie.