Réaliser l'impossible nécessite une acclimatation douce

Réaliser l'impossible, ou comment donner vie à une idée qui semble complètement inconcevable à l'instant T.

Vous avez des projets, des idées. Certaines vous semblent un peu folles. Vous en parlez à vos proches. On vous dit "laisse tomber, pourquoi est-ce que tu vas te prendre la tête avec ce genre de choses ?"

Parfois, on vous explique par A + B que l'idée est tout simplement irréalisable. Et ça vous plombe. Je sais, je l'ai vécu plusieurs fois dans mon passé. Et pourtant, je suis arrivé exactement à la bonne destination, une destination considérée comme inatteignable par certaines personnes de mon entourage.

Ce sujet me tient donc particulièrement à cœur. J'ai mentalement traversé plusieurs étapes pour donner naissance à mes projets. Mais quelles étapes ? Je n'arrivais pas à mettre exactement le doigt dessus.

Jusqu'à ce que je tombe sur la vidéo d'Eric Edmeades (en anglais). Edmeades a placardé un dessin pendant la vidéo qui a allumé une petite ampoule dans mon esprit. Je vais donc vous en parler dans cet article.

Réaliser l'impossible requiert une méthode

 


Juste pour être clair...

Je ne connais pas Eric Edmeades. Je sais qu'il est conférencier et entrepreneur. Mais je ne suis pas allé fouiner dans sa biographie. J'ai juste apprécié sa vidéo.

Je vous explique ceci car on m'a parfois reproché de parler de personnes qui ne sont pas absolument irréprochables. Mais je ne fais pas du journalisme d'investigation.

Et soyons clairs, je suis loin d'être irréprochable moi-même. J'ai fait des erreurs dans mon passé. Est-ce que ceci rend mes messages obsolètes ? Je ne pense pas. On fait tous des erreurs, on a tous des points noirs dans notre biographie.

Donc Eric Edmeades... sa vidéo m'a parlé, point. Et je vous en parle à mon tour.

 


Modélisation de comment réaliser l'impossible

Ce qui m'a parlé, en fait, c'est le modèle qu'Edmeades présente dans sa vidéo. Je vous le mets ici, le crédit n'est pas le mien, je n'ai fait que le traduire pour vous en faire part.

Je vais donc vous présenter le modèle, l'expliquer d'une manière théorique, puis l'illustrer au travers d'une expérience personnelle.

Modèle pour réaliser l'impossible

(1) Invisible

Ce qui est invisible à votre esprit n'est pas imaginable. Vous n'y pensez même pas à l'heure actuelle. Nous sommes au-delà de l'impossible. Car l'impossible implique qu'au minimum, l'idée soit présente dans votre esprit.

(2) Impossible

L'idée a maintenant germé dans votre esprit. Mais la société dicte que cette idée n'est pas réalisable.

Notez que très souvent, il n'y a pas de limitation physique ou technologique intrinsèque, juste une incapacité par la société d'imaginer une solution.

La société va donc vous faire passer l'idée que vous pouvez oublier tout ceci, ce n'est pas faisable.

(3) Possible

Du temps s'est écoulé. On se situe peut-être quelques semaines, mois, ou années plus tard.

Et on commence maintenant à voir une lueur d'espoir. La position de la société, qui disait que ceci est impossible, commence à se fissurer. Des hypothèses sur comment réaliser le projet commencent à apparaître.

Certes, tout ceci semble sacrément compliqué. Mais avec du temps, on pense qu'il y a une possibilité. La bascule dans cet état s'accompagne en général d'un sentiment d'excitation qui fait que l'idée va devenir omniprésente dans notre esprit. Ce qui est positif car d'autres idées germeront par la suite.

La société agit toujours ici comme une glue qui embourbe la personne et la freine. Au minimum, elle sème des doutes à intervalles réguliers. Mais un fil conducteur a été imaginé, et même dans cette boue, le créateur arrive à voir son fil d'Ariane.

(4) Probable

Nous sommes maintenant quelques semaines, mois ou années plus tard.

L'idée, omniprésente dans votre esprit, a continué à produire des pistes de plus en plus précises. Nous n'en sommes plus à quelques idées nébuleuses, mais à des démarrages potentiels de projets.

La vue d'ensemble n'est pas encore claire, mais on peut commencer à passer à l'action. C'est comme si on cherchait un trésor, et on avait identifié, en gros, le lieu où se cache le coffre. Il y a encore beaucoup de recherches à faire, et il existe toujours une probabilité qu'on ne trouve jamais le trésor.

Mais on se dit qu'avec du temps, et peut-être avec de l'aide, on peut commencer à sonder ce morceau de forêt pour avoir plus d'indices. Peut-être la végétation est différente à cet endroit, etc. On est prêt à se remonter les manches pour démarrer certaines tâches.

L'excitation est toujours là, bien présente. On sent qu'on se rapproche du but. Réaliser l'impossible devient de plus en plus...

(5) Possible !

Quelque temps plus tard, et nous avons enfin un plan d'action précis. Nous connaissons l'étape A, B, C et D. Nous savons de quels moyens nous avons besoin. Oh, ce ne sera pas une partie de plaisir. Il y a une montagne de choses à faire.

Mais avec les bonnes ressources et les bonnes personnes pour nous aider, nous y arriverons. En fonction de la durée du projet, l'excitation laisse parfois place à un peu de fatigue, ce qui est normal. L'excitation revient vite, et elle est nécessaire pour faire avancer le projet !

(6) Réel

Affaire classée, le projet est en place, et il tourne. Nous sommes arrivés à réaliser l'impossible, souvent contre toute attente de la société.

A ce stade, l'excitation retombe souvent à un niveau relativement bas. Ce qui est un peu décevant, pourquoi perdre cette joie de vivre qui nous permettait d'avancer maintenant que tout est en place ?

Mais ceci est compréhensible. Car le chemin est plus formateur, plus structurant, plus excitant que la destination. Le créateur, à ce stade, passera souvent à une autre idée "impossible" qui le tirera de l'avant.

 


Réaliser l'impossible requiert une transition douce

Edmeades explique que nous avons besoin de traverser les différentes étapes du modèle pour réaliser l'impossible. On ne peut pas passer de l'invisible directement au réel car l'expérience pourrait être très dérangeante. Si j'arrive du Moyen-âge et que vous me mettez dans un avion, il est fort possible que je pète un câble.

On ne peut pas non plus passer de l'impossible au réel. Edmeades cite l'exemple de ceux qui gagnent une énorme somme d'argent à la loterie. Car de nombreux joueurs, au fond d'eux-mêmes, pensent que gagner le gros lot est impossible. Les gagnants, comme l'histoire le démontre, se retrouvent souvent en dépression, sur la paille, ou pire, ont envisagé le suicide.

Il faut donc acclimater l'esprit au travers de ces différentes phases, laisser faire le temps, pour qu'effectivement, l'impossible devienne possible.

 


Un petit exemple personnel

Ne vous attendez pas à ce que je vous parle d'une grande invention qui va changer le monde. On parle d'un petit projet dans mon petit bac à sable. Mais un projet qui m'a tenu à cœur pendant bien longtemps et qui illustre ce modèle. J'ai d'autres exemples, et ils suivent exactement cette progression.

Je vous explique. J'ai toujours eu des projets et activités "sur le côté", hors de mon travail principal. L'idée de travailler de la maison ("télétravail") m'a donc toujours fascinée, car lorsque je l'ai fait, je suis arrivé à accomplir une journée de travail en quelques heures, tout en développant certains projets personnels en parallèle.

Et puis, au fond, je ne suis pas une bête sociale. Je n'ai pas besoin des interactions autour de la machine à café, des repas pris avec le groupe, etc. Une fois de temps en temps, oui. Mais la plupart du temps, je suis heureux dans mon trou.

Bref, ceci est le contexte pour mon étude de cas.

 


Application du modèle

(1) Invisible

J'ai démarré ma carrière en 1995.

A l'époque, il n'y avait pas vraiment d'ordinateur portable. La connexion internet nécessitait l'installation d'un "modem" (une carte électronique qu'il fallait insérer dans l'ordinateur), poussait un cri extra-terrestre lors de la connexion, et affichait une page web (dans un navigateur appelé Mosaïc) plus lentement que si je vous l'écris sur un tableau blanc.

Le concept de télétravail m'était, à l'époque, invisible. Je rentrais chez moi, puis après une longue journée de travail, je passais un peu de temps sur certaines activités, lorsque je n'étais pas complètement épuisé.

(2) Impossible

Nous sommes maintenant dans les années 1997. On commence à parler de télétravail dans certains cercles, un peu comme le Graal du salarié dans le monde des services. Personne ne le faisait, les sociétés n'étaient certainement pas ouvertes à cela. Mais le concept était devenu visible.

Et il m'a intrigué dès le départ. Mais là, clairement, c'était impossible dans ma tête. Mais l'idée s'est installée durablement dans mon esprit. Je me voyais clairement travailler de chez moi.

(3) Possible

1998 ou 1999, je ne me souviens plus trop, mais j'ai dû aller passer quelques mois dans ma famille pour des raisons personnelles. J'ai annoncé cela à mon employeur et il a compris que j'allais le faire avec ou sans son accord. Il m'a donc permis de prendre un ordinateur portable et travailler à distance, même avec une connexion incroyablement lente.

Et ça s'est passé. Ça ne s'est pas déroulé sans embrouilles ni frustrations. Mais quelque part, j'ai fissuré la position de ma société qui croyait fermement que le télétravail était une perte de contrôle totale sur la productivité de l'employé.

J'ai commencé à en parler de plus en plus souvent avec mes collègues. Tous m'ont dit que je rêvais, cela n'arrivera jamais, oublie ça. Mon supérieur de l'époque m'a fait passer le même message.

(4) Probable

Voyant que j'étais très apprécié de l'entreprise, j'ai continué à pousser l'idée, et à expliquer que j'allais le faire un jour pour différentes raisons, et que j'apprécierai le soutien de mon supérieur lorsque ceci arrivera.

En parallèle, j'ai créé un guide du télétravail, un document complet et très détaillé qui expliquait comment bien s'installer, s'organiser, et au final fournir une productivité optimale, avec le besoin de revenir dans l'entreprise régulièrement pour reconnecter avec les collègues, etc.

Ce document a largement circulé dans certains cercles et a contribué, je pense, à faire plier certains opposants à l'idée.

Et au fil des mois, je voyais bien que mes supérieurs hiérarchiques étaient de plus en plus tièdes à l'idée. J'étais donc maintenant dans le monde du probable.

(5) Possible

Je suis donc passé à l'action. J'ai réfléchi à une proposition acceptable pour mon employeur et je l'ai mise par écrit. Et j'ai annoncé mon départ.

L'annonce du départ, bien qu’effrayante, a permis d'introduire un ultimatum. Sans cela, mon employeur aurait toujours dit non. Mais je voyais bien qu'il était, sans vouloir l'avouer, relativement ouvert.

J'ai expliqué, avec conviction, pourquoi je voulais vivre dans une autre région.

Face à cet ultimatum, mon employeur a décidé de me garder et j'ai signé ce qui était probablement le premier contrat de télétravail à l'époque (ma société comptait plusieurs centaines de milliers d'employés).

(6) Réel

Ainsi démarrèrent plusieurs années de télétravail, qui m'ont ouvert de nombreuses possibilités et permis de travailler sur d'importants projets. Et au final, de poursuivre de nouvelles idées et de réaliser l'impossible dans mon petit bac à sable.

 


Conclusion

Le tampon "impossible" est apposé par la société pour les mauvaises raisons. C'est le phénomène de troupeau qui dicte ces positions très conservatrices, ancrées dans la peur du changement.

Souvent, il n'y a pas de limitations physiques, technologiques ou autre. Juste une incapacité d'imaginer une solution. Un peu comme il était impossible d'imaginer une terre ronde à un certain moment de notre histoire.

Alors si vous avez un projet du cœur et qu'on vous dit qu'il est impossible à réaliser, gardez ce modèle en tête. Donnez-vous du temps. Voyagez au travers de ce modèle. Montrez-leur que réaliser l'impossible est, au final, à la portée de tous !