Tenir un journal de gratitude : 5 minutes bien investies
Il fallait que j'écrive cet article car c'est encore arrivé. J'ai encore vu, bien caché dans un forum, la réflexion suivante :
"Tenir un journal de gratitude, c'est un truc new age qui ne sert à rien. Truc pour les gens perchés."
Alors juste histoire de clarifier les choses, je ne suis pas perché. Bon, je ne suis peut-être pas le mieux placé pour en juger, mais je pense que mes proches seraient d'accord avec cette affirmation.
Je ne suis pas "new age" non plus, bien que cela ne veuille pas dire grand-chose. Si être "new age" c'est d'avoir écouté Jean-Michel Jarre et Mike Oldfield lorsque j'avais 14 ans, alors je dois plaider coupable 🙂
Arrêtons de dire n'importe quoi. Tenir un journal de gratitude est un outil efficace pour réveiller un sentiment de joie. Oh ne vous attendez pas à ce qu'il vous propulse de la dépression profonde à la joie totale en 24 h. Sinon vous n'êtes pas tombé sur le bon article.
Non, il est beaucoup plus subtil que ça. Mais il fonctionne. Voici le pourquoi et le comment.
Habituation : lorsqu'on ne voit plus les "petits bonheurs"
Lors d'une journée typique, vous avez des dizaines de petites choses qui devraient vous rendre heureux. En revanche, vous ne les remarquez pas. Ou disons, vous ne les remarquez plus.
C'est comme cette odeur de lavande lorsque j'arrivais chez ma grand-tante, dans les Alpes de Haute-Provence, pour passer une partie de mes vacances d'été. Lorsque je passais le pas de la porte et que je sentais cette odeur, je savais que du bon temps m'attendait. Cette odeur réveillait en moi une joie profonde.
En revanche, dès le lendemain, je ne la sentais plus. Elle était pourtant bien là. Mais mon cerveau l'avait intégré à ma nouvelle routine.
Ce phénomène est appelé "habituation", et il existe probablement pour une bonne raison. Je suppose afin de ne pas trop surcharger tous nos sens et de ne remarquer que ce qui change.
En revanche, chez nous, fidèles adeptes de la quête du bonheur, ce phénomène nous joue des tours. Car cette simple fenêtre ensoleillée avec un petit pot de fleurs sur son rebord, vous ne la voyez même plus.
Et pourtant, lorsque vous avez emménagé et que vous avez placé le pot de fleurs à cet endroit, cela a provoqué une grande joie.
Nous avons tous nos "petits bonheurs"
Pas besoin d'aller chercher bien loin :
- Être en vie ?
- Vivre dans un pays dans lequel il n'y a pas de guerre civile ?
- Avoir un toit sur notre tête, de l'eau potable, de la nourriture ?
- Avoir un travail que vous trouvez stimulant ?
- Un partenaire qui vous aime ?
- Un chat (qui certes peut parfois vomir sur le fauteuil du salon) qui vous adore ?
- Etc.
Alors que faut-il faire pour que ces petits bonheurs deviennent tout à coup visibles, audibles, détectables, évidents ?
Robert Emmons et Michael McCullough, deux chercheurs américains, se sont posé la même question. Voici ce qu'ils décrivent dans une étude de 2003 (*).
Prenez un groupe de participants et demandez-leur de tenir un journal :
- Sur des petits bonheurs de leur vie (groupe 1)
- Sur des embêtements de leur vie (groupe 2)
- Sur des évènements neutres de leur vie (groupe 3)
Tenir un journal signifie simplement écrire, d'une manière fluide, sans trop se poser de questions, sur ces différents sujets.
Ensuite, mesurez l'impact de ce petit exercice sur leur vie.
Les résultats sont étonnants. Les personnes du groupe 1 sont plus optimistes, plus heureux, prennent de meilleures décisions en ce qui concerne leur santé, font plus d'exercice physique, s'impliquent plus dans des causes sociales.
La seule différence ? 5 minutes passées chaque jour à écrire au sujet de ce magnifique coucher de soleil, sur la joie d'être accueilli tous les soirs par son chien, sur une simple tasse de thé en lisant un bon livre.
Le groupe 2, celui qui a écrit au sujet du voisin qui rouspète, des impôts à remplir et de la nouvelle égratignure sur le pare-chocs avant de la voiture, n'obtient absolument aucuns bénéfices de ce petit exercice. Pas besoin de doctorat en neuroscience pour comprendre pourquoi !
Idem pour le groupe 3.
En pratique : tenir un journal de gratitude
Achetez un carnet. Certains estiment qu'il est important d'acheter un carnet ou un bloc-notes de qualité. Personnellement, je peux écrire dans un simple cahier de brouillon.
Ensuite, chaque jour, à la fin de la journée, prenez quelques minutes pour écrire au sujet des petits bonheurs de votre journée (note : certains écrivent le matin pour la journée précédente).
On parle vraiment de petites choses ici, pas de gagner à la loterie. Un bon repas, le fait que l'on ait parlé au téléphone avec un ami, le soleil aujourd'hui, 5 minutes de marche pendant la pause déjeuner pour se ressourcer, un joli tableau aperçu dans une vitrine, une émission intéressante à la radio, etc.
Vous noterez qu'au bout d'un moment, les choses vont probablement se répéter dans votre journal. Il est bon, à ce moment-là, de faire une pause de quelques jours ou plus. Les études montrent que les bénéfices peuvent être ressentis des semaines après l'arrêt du journal.
En revanche, il sera bon de reprendre à un moment donné, peut-être lorsque vous ressentez que votre moral repart vers le bas.
Petite astuce pour y penser : placez votre carnet avec stylo à un endroit où vous ne pouvez pas l'ignorer. Pour moi, c'est sur l'oreiller, bien que parfois je sois vraiment trop fatigué pour écrire au moment où j'atteins mon lit 🙂
Tenir un journal de gratitude est l'une des mesures les plus simples et les plus faciles à mettre en place que je connaisse. Encore faut-il le faire !
(*) Emmons RA, McCullough ME. Counting blessings versus burdens: an experimental investigation of gratitude and subjective well-being in daily life. J Pers Soc Psychol. 2003 Feb;84(2):377-89.