Vieillir heureux : ça serait pas une idée un peu farfelue ?

Est-il possible de vieillir heureux alors que l'on s'approche inexorablement de la porte de sortie (ou d'entrée, ou du tunnel, appelez ça comme vous voudrez) ?

Ce n'est pas une question que l'on se pose lorsqu'on est jeune. Mais voyez-vous, lorsqu'on frôle les 50 bougies comme moi, on commence à se la poser de plus en plus souvent.

Et puis en toute franchise, je me pose ce genre de questions depuis bien longtemps, mais jusque-là je gardais mes conclusions pour moi et mes proches. Maintenant, je partage :-).

La réponse à cette question ne pourrait être plus claire, et je pense qu'elle va vous surprendre. Vieillir heureux est non seulement possible, c'est même probablement ce qu'il va vous arriver sans que vous ne fassiez grand-chose.

Vieillir heureux : vieil homme à la pelle

(je m'imagine vieux, un peu comme ça, sans la stache ni le chapeau, mais avec pelle pour le potager)

 


Positif vers le haut, négatif vers le bas

C'est en effet ce que nous dit cette étude réalisée en 1998 sur 80 femmes1. OK, d'accord, l'homme est largement plus grincheux, et parfois vieillit même très mal 🙂  Mais d'une manière générale, ceci souligne une tendance positive.

Vieillir heureux : étude de 1998

Pas besoin de vous faire un exposé de 90 minutes pour vous expliquer ce magnifique graphe. Au plus l'âge avance, au plus les émotions négatives diminuent et les émotions positives augmentent.

Mais qu'est-ce qui pourrait donc expliquer ce phénomène ? Christophe André suggère le fait que l'on a plus d'expérience, on se prend moins de râteaux. La sagesse quoi. En d'autres termes "notre expérience de vie augmente notre intelligence du bonheur". Tellement bien dit.

Autre phénomène relativement récent : le fait que "les vieux" se font une 2e jeunesse. En effet, à 60 ans et vu l’espérance de vie actuelle, on a presque une 2e vie qui s'ouvre devant nous, avec des possibilités de nouveaux projets, d'activités sociales, de parapente (bon peut-être pas s'il y a risque d'ostéoporose...)

On est loin de ce que les anciens disaient quand j'étais gamin : "fait pas bon devenir vieux". On peut aujourd'hui retourner ce dicton comme une crêpe. En espérant qu'il nous reste quelques sous pour casser la croûte et payer le chauffage bien sûr.

 


Vieillir heureux lorsqu'on est dépendant

Je la voyais arriver celle-là. Et lorsqu'on est alité ? Bloqué dans une maison médicalisée ? Il est où, hein, le bonheur ?

Il semble que le bonheur soit fait de petites choses. Pour garder sa dignité et pouvoir accéder au bonheur même dans un EHPAD, il faudrait pouvoir garder un minimum de contrôle sur son environnement, même lorsque celui-ci devient très limité.

Se sentir en contrôle aide la personne âgée à moduler l'impact physiologique et psychologique d'un évènement ou d'un environnement stressant2. Elle l'aide aussi à garder une immunité forte, ce qui est plutôt important en ces périodes de pandémies.

Et on parle bel et bien ici de petites choses : où et quand se déplacer à l'intérieur d'un centre médicalisé par exemple. A quel moment aller à la bibliothèque du centre pour emprunter un livre. A quel moment prendre le petit-déjeuner. Avoir un choix de plats pour les différents repas.

Ceci doit compliquer grandement, je vous l'accorde, la gestion de l'établissement. Ça, c'est une autre histoire. Mais la santé et le bonheur de nos aînés en dépendent.

Lorsque la personne âgée reste chez elle, les proches peuvent lui faciliter ce type de contrôle et de choix en proposant plutôt qu'en imposant.

 


Vieillir heureux pour vivre plus vieux

Au final, vieillir heureux nous permet, tout simplement, d'augmenter notre longévité.

En effet, les individus qui vieillissent avec une perception positive de l'âge vivent en moyenne 7,5 années de plus que ceux qui ont une perception moins positive3. Et ceci quel que soit le sexe, milieu socio-économique, le statut de célibataire ou pas, et l'état de santé de la personne.

7,5 ans de plus !

Oui, je sais, encore faut-il vivre ces 7,5 années en bonne santé et pas comme un légume, on est d'accord.

Mais franchement, si je peux encore traîner mon sac à dos et enfiler mes chaussures de marche sans me faire un lumbago ou me casser une côte, je prends volontiers cette petite rallonge !

Auquel cas, je prendrai ma guitare avec moi, et peut-être mon chien s'il est encore là et j'irai dormir là où vous savez (et si vous ne pigez pas, c'est que vous ne connaissez pas vos classiques).

 

(1) Helson, R., & Klohnen, E. C. (1998). Affective coloring of personality from young adulthood to midlife. Personality and Social Psychology Bulletin, 24(3), 241–252.

(2) Rodin J. Aging and health: effects of the sense of control. Science. 1986;233(4770):1271-1276.

(3) Levy BR, Slade MD, Kunkel SR, Kasl SV. Longevity increased by positive self-perceptions of aging. J Pers Soc Psychol. 2002;83(2):261-270.