Biais de négativité : les dés sont pipés (méthode HEAL)
Le biais de négativité a permis à l'être humain de survivre en environnement hostile. En revanche, aujourd'hui, c'est clairement une mal-adaptation. Un boulet que l'on traine de notre passé de chasseurs-cueilleurs.
Dans un monde de sécurité et de confort relatif, le biais de négativité contribue à notre mal-être quotidien. La première étape et de le comprendre et de reconnaître qu'il a été notre ami pendant des millénaires. La seconde étape consiste à contrebalancer du mieux possible l'inertie qu'il crée chez nous chaque minute (avec la méthode HEAL par exemple).
Comprendre le biais de négativité
Le biais de négativité est la tendance de notre mental à accorder beaucoup plus d'attention, de poids, de mémorisation aux expériences négatives qu'aux positives.
Oui, je sais, tellement frustrant, mais bien réel. Comme expliqué précédemment, c'est un mécanisme qui a permis notre survie. En effet, en pleine nature, il est essentiel de repérer rapidement un danger et de lui accorder toute notre attention. Les ravissantes pâquerettes qui fleurissent dans le champ, c'est enchanteur. La maman ourse juste derrière, qui avance vers nous avec ses deux oursons, c'est extrêmement inquiétant. On oublie les pâquerettes hein, focus sur l'animal, et au passage on marque ces lieux au fer rouge pour éviter d'y revenir.
Aujourd'hui, cette tendance nous plombe.
- Médias et réseaux sociaux : les mauvaises nouvelles viennent s'imprimer dans notre mémoire de manière durable avec un poids disproportionné. Les américains appellent cela "doom scrolling" (défilement morbide).
- Relations humaines : il suffira d'une seule critique du patron pour annihiler les dix compliments reçus dans la même journée.
Tout ceci est normal. Il n'y a rien de dysfonctionnel en vous. Vous avez été évolué comme cela. Vous êtes descendants des lignées génétiques les plus inquiètes, finalement. Car ce sont les plus inquiets qui survivent en environnement hostile. "Only the paranoïd survive" aurait dit Andy Grove.
Cela dit, aujourd'hui, ce biais de négativité fait de nous de grands névrosés. Alors que faire ?
Introduisons le psychologue et chercheur Rick Hanson (1)...
Reprendre le contrôle
Hanson explique que l'on doit adopter une attitude active, chaque jour, chaque heure, afin de contrer le biais de négativité. C'est un peu comme un sport. Rangez la raquette au vestiaire et vous allez vite perdre votre revers.
Les outils exposés par Hanson (et validés dans les études) sont venus confirmer cette conviction que j'ai depuis toujours : certains semblent naître avec cette capacité de voir la vie sous un angle positif. Pour le reste d'entre nous, soit nous pratiquons la gratitude comme un sport, soit c'est l'ankylose morale qui nous guette.
Les outils présupposent que nous adoptons une attitude active envers la vie. Ce n'est pas la vie qui nous arrive. Mais nous arrivons à la vie, avec un désir d'imposer une autre vision des choses.
Ceci crée des "chemins" mentaux, des connexions neuronales durables, au travers d'un processus en deux étapes : activation et internalisation.
L'activation nécessite de vivre un évènement activateur. Si je veux faire preuve de plus de gratitude dans ma vie, je dois d'abord voir un évènement qui suscite ma gratitude. C'est à moi de faire l'effort, c'est à moi de le voir, sinon rien ne se passe.
Hier, j'ai brûlé un peu d'encens dans ma cuisine. Cet encens a été fabriqué à la main, avec des ingrédients naturels, pas très loin de chez moi. Il pleuviotait dehors. J'étais bien dans ma cuisine. Je lisais. Je buvais un thé. J'ai fait une pause pour apprécier. Et je me suis dit, mais putain (pardon), faut que je me fasse violence pour apprécier ce genre de moments ?
Oui, faut se faire violence les amis. Sinon, on traverse la vie en mode grand névrosé.
Une fois l'activation faite, l'internalisation peut à son tour se faire. La partie structurelle et fonctionnelle de nos neurones change. Le "muscle" de la gratitude devient plus fort. Et on recommence. Encore. Et encore. Jusqu'à la dernière heure.
Et nous oublierons de pratiquer. Encore. Et encore. Et il faudra reprendre l'activité sans relâche.
Contrer le biais de négativité avec HEAL
Voici la méthode HEAL mise au point par Hanson. Désolé, mais c'est en anglais. Traduction juste après.
- H·ave a beneficial experience (avoir une expérience bénéfique)
- E·nrich it (l'enrichir)
- A·bsorb it (l'absorber)
- L·ink positive and negative material (faire un lien entre le positif et le négatif)
1. Avoir une expérience bénéfique
Regarder la vie et pas juste la voir passer. Noter les évènements qui nous fournissent de petits plaisirs ou qui nous semblent utiles. Nous pouvons soit les vivre "en vrai", soit les vivre dans notre mental. La fameuse pratique de méditation Metta d'amour bienveillant en est un exemple.
2. L'enrichir
Ceci implique de prolonger ou d'intensifier délibérément l'expérience. Prendre le temps de se demander en quoi ce petit épisode de la vie quotidienne est important et bénéfique pour nous.
Hier soir, j'étais invité à un diner à 20 h. A 19 h 45, mon fils de 15 ans, qui tentait de réparer sa moto, m'appelle pour que je lui apporte des outils, chose que j'ai faite, un peu à reculons vu l'heure et le fait que j'étais attendu. Une fois sur place, je me suis dit que ce petit gars était en train de prendre sa vie en main. Je suis resté quelques minutes à l'observer, ce qui m'a mis en retard. Mais aujourd'hui, j'ai encore les douces effluves de ce moment.
Je me connais. Je sais très bien comment j'aurais pu réagir négativement dans mon passé. Être en retard, moi le psychorigide de l'horloge. J'aurais donc vécu ce moment comme une perturbation dans la trajectoire que je m'étais fixé. Triste, mais vrai.
3. L'absorber
Hanson explique que l'étape 2 équivaut à augmenter la quantité et la concentration d'un liquide que l'on va verser sur une éponge. L'étape 3 s'assure que l'éponge est en état d'absorber pleinement ce liquide.
C'est donc une étape de conditionnement. On se donne l'intention de mémoriser cette expérience, on se dit en quoi elle est importante pour nous. D'un point de vue neuronal, cela sensibilise le cerveau et consolide l'étape d'encodage de l'information (pour utiliser les termes de Hanson, pas très poétiques, mais n'oublions pas que le gars est un chercheur).
4. Faire un lien entre le positif et négatif (optionnel)
Hé, c'est pas parce que j'ai dit "optionnel" qu'il faut sauter l'étape 😉
Cette dernière étape consiste à invoquer en arrière-plan un épisode négatif qui nous fait souffrir, alors que nous maintenons l'expérience positive en premier plan.
Dans mon exemple précédent, avec mon livre, mon thé et mon encens, j'aurais pu me concentrer sur ce que je vivais dans l'état présent, apprécier pleinement ces petites choses, tout en invoquant une situation personnelle qui m'affecte depuis l'été dernier.
Hanson explique que le renforcement positif de l'un permet, par association, de dérober un peu d'inertie à l'autre.
Cette étape est notée comme optionnelle par Hanson, car les 3 premières étapes sont suffisantes, à elles seules, pour améliorer d'une manière significative le bien-être émotionnel et cognitif.
L'étude "Taking in the Good Course"
Dans cette étude (2), la méthode HEAL fut enseignée dans un cours qui dura 18 heures, afin de préparer les participants à l'application de la méthode. La méthode fut ensuite appliquée par les individus dans leur vie quotidienne.
Les documents distribués aux participants se trouvent ici. Si vous avez du mal à comprendre ou appliquer la méthode décrite dans cet article, il serait bon de faire traduire ces documents afin de pratiquer au mieux.
Le biais de négativité est une fatalité chez l'être humain. Nous appartenons à des lignées génétiques de survivants, et pour survivre, il fallait avoir une grande capacité à voir le négatif derrière chaque buisson. Aujourd'hui, dans un monde relativement sécurisé mais qui nous bombarde de mauvaises nouvelles, il est impératif de reprendre le contrôle de la situation.
La méthode HEAL, bien qu'excessivement simple, a le mérite d'apporter des résultats durables... Encore faut-il l'appliquer !
Référence biais de négativité
(1) Pour en apprendre plus sur le doc, voir son site ici
(2) Le papier principal d'Hanson se trouve ici

