Cette recherche de la perfection qui nous paralyse

La recherche de la perfection a miné une partie de ma vie. J'ai toujours été très minutieux et pointilleux. Pour moi, chaque détail compte (exception : l'orthographe j'ai bien peur).

J'ai été très exigeant envers moi-même, ce qui m'a amené plusieurs fois au burnout.

Heureusement, je ne supporte pas l'inaction et j'ai une capacité innée à me lancer dans de nouveaux projets. Sinon, cette recherche de la perfection m'aurait paralysé.

Dans cet article, j'aimerais vous parler d'un phénomène que j'ai pu observer très souvent chez les perfectionnistes : cette incapacité à créer quelque chose d'imparfait afin de lancer le mouvement. Le perfectionnisme mène, hélas, à l'inaction.

Recherche de la perfection = stagnation


Acceptez vos monstruosités

Tout projet qui démarre n'est pas beau. Il est moche. Il ne ressemble à rien. C'est une ébauche, une première mouture. Un truc pas mûr, pas bon à manger. C'est non seulement normal, mais c'est aussi désirable. Car c'est au travers de nombreuses mochetés que nous pouvons créer la beauté.

Mais voilà, le perfectionniste n'accepte pas ses mochetés. Tellement qu'il préfère ne rien démarrer.

Le perfectionniste a envie d'écrire, mais ne supporte pas de relire les premiers mots qu'il a posés sur cette première page. Le syndrome de l'imposteur s'installe et prend ses aises.

La perfectionniste est attirée par la peinture depuis longtemps. Mais après avoir tracé les premiers traits sur la toile, elle se dit : mais c'est quoi ces horribles tâches ? Elle imagine déjà ses amis (qui peignent depuis plusieurs années) jeter un œil à la toile et la tourner en dérision, dans son dos bien sûr.

Vous savez quoi ? Acceptez vos monstres ! Acceptez toutes les horreurs. Ce sont des paliers, des expériences, des apprentissages.


Un triangle au jardin qui ne ressemble à rien

Allez, une petite étude de cas, pour rigoler un peu aux dépens de votre humble serviteur.

Janvier 2010, je me suis lancé dans le jardinage. Quelques années plus tard, je créais une boutique en ligne, "Le Jardin des Médicinales", sur lequel j'ai vendu des graines (de ma propre production) pendant plusieurs années. Ce site a été un beau succès.

Mais janvier 2010, je n'y connaissais absolument rien au jardinage. Nada. J'avais passé 15 ans le cul entre la chaise de bureau et le fauteuil d'avion (ce qui m'a d'ailleurs valu une insuffisance veineuse profonde, mais ça, ça sera pour une autre histoire).

Bref, je décide de me lancer dans la conception du jardin. J'avais la chance d'avoir à disposition un hectare de terrain de mes parents, complètement vierge. Et là, j'ai eu l'idée génialissime d'aller au centre de cet hectare, et de bâtir à cet endroit un triangle en pierres, que j'ai par la suite rempli de terre, et qui est devenu mon premier bac de plantation. Ma première rocaille si vous voulez.

Imaginez donc un triangle massif en plein milieu d'un champ carré en friche. Lorsque ma femme a vu ça, elle a éclaté de rire, et elle en rit toujours aujourd'hui. Mon père, vieux jardinier endurci, m'a tout de suite dit "mais gamin, comment tu vas arroser là-bas au milieu, tu pouvais pas te mettre près des points d'irrigation ?"

Ce triangle est devenu le symbole d'une de mes multiples monstruosités. Une horreur qui a été une épine dans mon pied pendant tout un été (combien d'aller-retour à l'arrosoir ?) et qu'il m'a fallu détruire l'hiver suivant.

C'est une petite médaille que j'ai accrochée à ma veste de jardinier. C'est le signe que j'avais allumé une mèche. C'est ce qui m'a appris (à la dure) qu'il fallait penser forme, esthétique, accès et irrigation. C'est ce qui m'a permis quelques années plus tard de produire et de vendre mes propres graines.

Sans cette monstruosité de triangle, j'en serais encore à réfléchir à la structure parfaite.


Fuyez la recherche de la perfection

Démarrez. Lancez-vous. Oubliez le regard des autres. Dites-vous qu'il y a de fortes chances qu'ils se moquent, qu'ils critiquent, qu'ils vous disent que "la musique, tu sais, c'est peut-être pas fait pour toi".

Exactement comme on m'aurait dit, en mars 2010 en voyant mon triangle, "tu as pensé à l'ébénisterie plutôt qu'au jardinage ?"

Faites-vous plaisir, démarrez ces projets qui vous titillent depuis tellement d'années. Salissez-vous les mains, semez la pagaille au jardin, cassez les oreilles des voisins en apprenant le saxophone, démarrez ce blog qui vous tente même si votre prof de français au lycée vous avait plutôt conseillé les sciences (c'était mon cas, et pourtant aujourd'hui j'adore écrire).

On s'en cogne !

A une époque où l'on vit trop dans nos têtes, il est temps de mettre un coup de pied au cul de cette satanée recherche de la perfection. Adios perfectionnisme, hello laideurs et mochetés. Tant qu'on passe à l'action, tant qu'on démarre, c'est tout bon. C'est l'énergie du vivant.

 

PS : il y a des monstruosités qui sont sacrément mignonnes tout de même...