Envisager le pire pour apprécier le meilleur : écoutons les Stoïques
Toujours envisager le pire, pas bon du tout, nous sommes d'accord.
Je pense, par exemple, à certains membres de ma famille qui vont imaginer un bus dans un ravin à chaque sortie scolaire, ou un cancer métastasé à chaque petite douleur. S'ils lisent cet article, ils se reconnaîtront :-).
Mais envisager le pire tout en gardant une attitude positive, ça, c'est quelque chose d'intéressant. Et si ce mélange peut vous paraître bizarre, c'est que vous n'avez pas bien écouté les stoïques de l'époque Grecque et Romaine.
Oui, je sais, ça remonte à loin, et les Stoïques sont des gens ennuyeux qui essaient de bloquer toutes les émotions. Impassibles. Du moins c'est le cliché que l'on s'en fait aujourd'hui.
Le but de cet article est de vous démontrer qu'en réalité, il en est tout autrement. D'abord, les Stoïques sont mal compris et je vais éclaircir ce point. Ensuite, je voudrais vous montrer comment envisager le pire peut ramener de l'appréciation dans les petits moments votre vie.
(en colère car vous avez cassé vos lunettes ? ok, mais au moins, vous avez des lunettes...)
Ces Stoïques mal compris
Sénèque, Marc-Aurèle, Épictète. Cela ne vous dit rien ? Ce sont les trois Stoïques les plus appréciés de l'époque Romaine. Ces Stoïques pratiquaient une philosophie de vie qui s'appelle le stoïcisme.
Définition de stoïque (adjectif) : "Se dit d'un comportement qui dénote une fermeté inébranlable, une grande impassibilité devant la douleur, le malheur, etc." (définition du Larousse).
Nous en avons déduit que les Stoïques étaient des personnes qui voulaient bloquer toute émotion. C'est faux. Ils voulaient juste maîtriser les émotions négatives, et avaient développé toute une boîte à outils à appliquer dans la vie de tous les jours.
L'un de ces outils est celui présenté ici : envisager le pire.
L'adaptation hédonique, vous connaissez ?
Un mot bien compliqué pour expliquer le cycle infernal suivant :
- Je désire quelque chose de nouveau (objet, statut social, expérience)
- Je me le procure (à coups d'argent, de sueur, d'effort)
- J'ai une période "lune de miel" (ouah super ma nouvelle BMW Série 3 !)
- Et très rapidement, je reviens au niveau de satisfaction initial
Ce qui fait qu'au final, nous ne sommes jamais satisfait de ce que nous avons. Car on s'habitue à tout. Ceux qui gagnent des sommes indécents à la loterie nationale reviennent au même niveau de satisfaction et de bonheur au bout de quelques mois.
C'est donc une course. Au titre de plus en plus impressionnant (maintenant que je suis directeur, il faut absolument que je devienne vice-président). Aux objets rutilants (cette dernière montre connectée, il me la faut absolument). Etc.
Envisager le pire est une technique qui peut bloquer, ou du moins freiner cette adaptation hédonique, et nous apprendre à aimer ce que nous avons déjà !
Envisager le pire : comment utiliser cette technique
Il est important d'appliquer cette technique d'une manière la plus authentique possible. C'est-à-dire de vraiment essayer de vivre, dans votre tête, la situation en question.
Il y a quelques semaines, j'ai eu un problème de chauffe-eau qui a failli provoquer de gros problèmes dans toute la plomberie de la maison. De nombreuses fuites sont apparues et pendant quelques jours, nous n'avons eu ni eau, ni chauffage. Gros stress. Je respire un grand coup.
Pour ne pas me laisser envahir par le stress, j'ai fait une pause et je me suis dit que certains vivent sans chauffage. Que serait ma vie sans chauffage ? Je me vois sans abris, couché sur le palier d'un immeuble sous de vieilles couvertures et cartons, à chercher à m'abriter du vent.
De retour à ma réalité, je réalise ma chance d'avoir des fuites dans le système de chauffage. Car j'ai du chauffage.
J'ai aussi fait une pause en me disant que certains vivent sans eau potable. Que serait ma vie sans eau potable ? Je me vois dans un bidonville de Caracas ou Calcutta, en train de récupérer un peu d'eau qui provient d'une source polluée avec des reflets d'huile de vidange.
De retour à ma réalité, j'apprécie ma chance de ne plus avoir d'eau pendant un jour ou deux. Car j'ai accès à l'eau potable.
Envisager le pire avec ses proches
Et si ce soir, c'était la dernière fois que je dis bonne nuit à mon fils de 11 ans ? Quelque chose pourrait m'arriver, ou lui arriver. La vie est imprévisible. Ce câlin du soir n'en sera que plus intense.
Et si c'était la dernière fois que je partage un fou rire avec cet ami ? Que dans quelques minutes, lorsqu'il va reprendre sa voiture, je ne le revoyais plus ? Qui peut dire que ceci ne peut pas arriver ?
En tapant ces quelques lignes, je m'aperçois de la chance que j'ai de partager ma vie avec ma femme. Elle n'est pas dans les parages, sinon je lui aurais dit, et j'aurais d'autant plus apprécié un bref échange avant de me replonger dans mon article. Car un jour, elle peut partir à un rendez-vous et ne jamais revenir.
Ceci n'est pas du pessimisme ou négativisme
Certains diront : Morbide ! Déprimant !
J'entends bien, mais vous avez mal compris la technique. Ceci n'a rien à voir avec la conviction que tout va aller mal. Au contraire, c'est se plonger dans des situations virtuelles (mais qui pourraient bel et bien arriver) pour ensuite revenir au présent et se dire que sacrebleu, on est bien !
Pour appliquer la technique, il faut vraiment essayer de vivre la situation. Pas besoin d'y passer des heures. Quelques minutes de temps à autre suffisent.
Envisager le pire de cette manière vous permettra de rajouter des couleurs dans vos relations, du relief dans votre appréciation de vos possessions.
Tout à coup, ce vieil ordinateur, qui parfois rame un peu, ne vous paraîtra pas si problématique que ça. Car vous avez un ordinateur. Qui se trouve dans un bureau. Qui se trouve dans une maison. Chauffée. Avec un toit qui ne fuit pas. Avec de l'eau. Froide et chaude. Dans un pays démocratique.