Les périls d'avoir un plan B

J'ai toujours été un bon petit élève. Fait mes devoirs, été calme en classe. Quelques mauvais tours, certes, rien de bien grave.

J'ai aussi été un bon petit travailleur. J'ai préparé, planifié. On m'a toujours dit qu'il fallait avoir un plan B, et j'ai suivi les consignes à la lettre.

Il y a quelques jours, j'étais en train de discuter avec mon fils de 18 ans au sujet de ses vœux pour l'an prochain. Si vous habitez en France, vous connaissez la torture de "Parcours Sup". C'est joli, c'est tout informatisé, y a des cases à cocher de partout. Waaaa la technologie !

Mon fils a un projet du cœur, une passion, un objectif à long terme. Pas cinq, pas trois, mais un projet. Le reste, pour lui, c'est du temps foutu en l'air.

Perdu dans mes vieilles habitudes, je lui ai parlé de la nécessité d'avoir un plan B. Il m'a répondu qu'il n'en voulait pas. Il va falloir que le plan A fonctionne.

Folie de jeunesse, ou sagesse d'une vieille âme enfouie dans un corps d'adolescent ?

Avoir un plan B : problématique

 


Avoir un plan B pousse au compromis

Le mot "compromis" est traitre. Il peut signifier un terrain d'entente cordial, quelque chose qui plaît à tout le monde. La paix du couple, la paix dans le monde. Lorsqu'il y a conflit, le compromis a sa place.

Mais lorsqu'on planifie son futur, on est seul à réfléchir. Qui est en conflit avec qui exactement ?

Eh bien ce sont les deux personnes que l'on voit souvent dans les bandes dessinées apparaître sur l'épaule droite et l'épaule gauche de la personne. Un est tout blanc avec une auréole, l'autre est rouge avec des cornes :-).

Sans rentrer dans le symbolisme biblique, nous avons toujours une partie fougueuse, qui aime prendre des risques. Et une autre partie plutôt fauteuil, pantoufles, tisane et un bon livre (version 2020 : pouf, crocs, chaï et Netflix).

Les deux bougres se chamaillent sans cesse, en particulier lorsqu'on parle de l'inconnu qu'est notre futur. L'un veut tout lâcher, partir à l'aventure, et au diable l'argent, la retraite et la sécurité sociale.

L'autre dit "ouh la... on se calme mon gars... et si on attendait d'avoir quelques zéros de plus sur le compte en banque ?"

Dans ce contexte, le compromis sera d'attendre encore un peu. Puis encore un petit peu. Et puis l'âge nous rattrape. Et puis on est condamné aux pantoufles.

Ici, compromis = excuse pour ne rien faire.

Le compromis, c'est la solution préférée de la peur qui nous manipule comme une marionnette. Je ne juge pas, j'ai longtemps subi le marionnettiste.

 


Ne pas se laisser de choix

J'ai moi-même vécu un grand changement de carrière, de culture, de pays, de vie. Ce changement a démarré en 2009.

C'est un grand projet du cœur qui m'a poussé à lâcher un bon job, à vendre une maison, à déraciner ma famille, et à redémarrer avec un salaire très bas (parfois pas de salaire du tout), pour pouvoir réaliser mon rêve.

Mon projet a pris énormément de temps. Il m'a fallu quasiment 10 ans pour passer du rouge au noir (traduction : gagner assez pour payer enfin les factures à la fin du mois).

Si j'avais eu un plan B, j'aurais jeté l'éponge avant.

Et je l'ai fait partiellement en 2015. Je suis reparti faire du conseil pour une société Parisienne. Premier TGV de 6h00 à Avignon tous les lundis matin. Une partie de la semaine à Paris loin de la famille. Et j'ai travaillé avec des gens passionnants.

Mais c'est un choix qui m'a éloigné du projet du cœur. Exactement 14 mois après le démarrage de ce "plan B", je remerciais l'équipe et je me replongeais dans mon projet bien à moi. Terminé les compromis, sinon ça allait me bouffer de l’intérieur.

Et au final, ça a payé.

 


Les risques de ne pas avoir un plan B

Aujourd'hui, je n'ai plus peur de repartir dans l'inconnu. Et je le fais plus ou moins sur ce site, en me mettant à nu comme je l'ai rarement fait dans le passé (bon pas pour de vrai, hein, là je suis en train d'écrire... en caleçon 🙂 ).

Tout projet comporte des risques : se prendre un mur, et repartir bredouille la queue entre les jambes. Mais au moins, on est allé au bout. Et ça, c'est une leçon qui vaut tous les MBAs du monde.

Mais les bénéfices... les bénéfices ! Ne pas prendre de tangente, ne pas bifurquer vers le "moins bien" et même le médiocre. Tenir le cap même quand il y a ce putain de mistral qui vous souffle en plein dans la figure (oui, j'habite en Provence).

Alors j'ai regardé mon fils, et je lui ai dit que j'admirais sa détermination. Je le vois dans ses yeux, je sais qu'il va y arriver un jour ou l'autre. Et je serai là pour le soutenir.

Avoir un plan B, lui ? Non merci. Et moi non plus.

 

PS : je comprends la logique derrière ce genre d'article qui dit que pour être heureux, il faut avoir un plan B. En revanche, j'espère vous avoir fourni une vue un peu moins... conventionnelle... et surtout basée sur du vécu !