Non tout n'était pas mieux avant
S'il y a quelque chose qui m'a toujours soûlé lorsque j'étais jeune, ce sont les vieux qui ne rataient pas une occasion de nous rabâcher le fameux "que la vie était douce avant, aujourd'hui tout fout le camp".
Ce qui est un peu fou, c'est que j'ai moi aussi osé dire ce genre de choses. Arrrgh ! Et mes fils m'ont envoyé le fameux "arrête de faire ton vieux" en pleine tête. Bien fait pour moi.
Non tout n'était pas mieux avant. Les choses étaient seulement différentes.
C'est en ce disant ce genre de choses que l'on finit par vivre dans le passé, que l'on refuse le présent et que l'on amplifie une atmosphère déjà bien anxiogène (merci les médias, ils sont très forts pour ça) pour la nouvelle génération.
Et si on arrêtait de faire nos vieux ?
Le syndrome du "c'était mieux avant"
Nous pouvons, vous et moi, avoir un débat sans fin au sujet de la progression du stress au travers des âges.
Certains diront que c'était mieux avant. Ils vous diront que c'était tellement plus simple ! Il n'y avait pas la télé, on mangeait des marrons grillés au coin du feu, en se racontant des histoires et en planifiant les petites actions du lendemain (traire les chèvres, ramasser du bois).
D'autres diront que c'est mieux maintenant. Le confort, la médecine moderne, la sécurité. Périr d'une bronchite ou se faire poignarder par une horde de brigands alors qu'on allait tranquillement faire son marché, non merci.
Qui a raison, qui a tort ? Tout dépend de la perspective dans laquelle on se place.
Personnellement, j'ai aujourd'hui décidé d'accepter de vivre avec mon temps et d'arrêter de déprimer en me disant que le monde de mon enfance était beaucoup plus vivable.
On idéalise le passé sans s'en rendre compte. Je m'y refuse.
Dépassé par son temps
De tout temps, ces mêmes inquiétudes ont existé. Ceci n'est pas nouveau. Il semble que l'homme soit constamment dépassé par le progrès et la civilisation.
Certes, c'est allé un peu trop vite ces 200 dernières années. Je suis d'accord. On n'a pas vraiment eu le temps de s'adapter au bouleversement sociétal et environnemental.
Mais tout de même, on disait déjà les mêmes choses à l'époque romaine !
Il semble donc que la génération précédente soit perpétuellement perdue par rapport à la génération suivante et on peut faire glisser ce modèle ad vitam æternam.
Allez jeter un coup d’œil à ce que nos philosophes disaient il y a plus de 2000 ans. OK, on parle ici spécifiquement des jeunes et pas de la progression de la société en général (climat, environnement, etc).
Mais je trouve que c'est plutôt représentatif de cette nostalgie du temps passé.
Socrate, Ve siècle avant JC :
"Notre jeunesse (...) est mal élevée. Elle se moque de l'autorité et n'a aucune espèce de respect pour les anciens. Nos enfants d'aujourd'hui (...) ne se lèvent pas quand un vieillard entre dans une pièce. Ils répondent à leurs parents et bavardent au lieu de travailler. Ils sont tout simplement mauvais."
Hésiode, VIIIe siècle avant JC :
"Je n'ai aucun espoir pour l'avenir de notre pays, si la jeunesse d'aujourd'hui prend le commandement demain. Parce que cette jeunesse est insupportable, sans retenue, simplement terrible."
(crédit : Le Seteblog)
Oui mais le monde se casse vraiment la gueule !
Peut-être. Mais quand bien même le monde se casserait la gueule :
(1) Vouloir se téléporter dans le passé, c'est futile non ? Et clairement impossible. Un fantasme, un mirage. La vie, c'est maintenant, dans toute sa beauté et sa laideur. C'est le package entier, à prendre et pas à laisser (on ne peut pas quitter sa réalité).
(2) Je trouve que sans cesse parler du passé n'envoie pas un message encourageant pour les nouvelles générations. Nos jeunes n'ont pas connu le passé. Et ils n'ont pas envie d'entendre dire que leur ère est à jeter à la poubelle.
Je préfère être présent, avec eux, dans la clarté et la lucidité de la situation actuelle, certes, mais aussi dans la bonne humeur.
Les jeunes auront besoin de notre aide, de nos encouragements. Les grands chantiers pour changer le monde, c'est maintenant.
(voir aussi mon article La nostalgie du passé peut transformer le présent)