Haïr quelqu'un : ironie de la situation et effet miroir

Haïr quelqu'un n'est toxique que pour celui qui ressent la haine.

Il est bon de faire une pause et de relire cette phrase plusieurs fois.

Pourquoi est-ce que je me suis mis à penser à ça aujourd'hui ? Car quelqu'un, en lisant les dernières nouvelles sur son smartphone, a lâché le fameux "pourquoi tant de haine ?" juste à côté de moi.

Et là, je me suis mis à gamberger, à penser à mon passé, à certains épisodes difficiles que j'ai vécus. Et l'ironie de la situation m'a frappé de plein fouet.

La haine a un effet boomerang. Elle n'atteindra jamais sa cible !

Et si vous ne voyez pas où je veux en venir, accordez-moi quelques minutes, que je m'explique.

Haïr quelqu'un est toxique

 


Haïr quelqu'un : mécanisme de survie

A l'origine, et là je parle de notre vie en tant qu'animal du paléolithique, haïr quelqu'un faisait partie de nos mécanismes de survie.

La logique est simple : on me menace, on m'agresse, on s'approprie mon territoire. Je ressens une grande colère, une haine qui va me pousser à réagir d'une manière impulsive et drastique. Un grand coup de gourdin derrière la tête, et au revoir mon ennemi. Ou moi, tout dépend de mon agilité à manier ledit gourdin.

La haine était donc un outil de self-défense qui nous poussait à l'action afin que le plus fort survive.

Bon, ça, hein, c'était avant. Aujourd'hui, nous vivons dans des sociétés relativement organisées avec des systèmes de protections en place (ok, on peut partir dans une tangente là encore, mais simplifions s'il vous plaît - pas de politique 😉 ).

 


Une réaction qui ne sert plus à grand-chose

Aujourd'hui, je postule la chose suivante : (1) haïr ne sert plus à grand-chose et (2) haïr n'est toxique que pour celui qui se sent blessé.

Commençons par le point numéro 1. Quel est le but de la haine aujourd'hui ?

Ressasser sans fin ce que je pourrais faire à cette personne sans jamais passer à l'action. Je ne passe pas à l'action car si je donne vie au film qui se déroule actuellement dans ma tête, je risque gros. Mais ça me fait grandement fantasmer, donc rembobinage et replay.

Résultat : une tension qui monte sans fin, des semaines et des mois à repasser la même bande, et on connait la fin, rien ne se passe.

Passer à l'action.

Résultat : se retrouver dans le poste de police dans le meilleur des cas, avec ou sans ecchymose péri-orbitaire (ça fait classe non ? Traduction : œil au beurre noir). Dans le pire des cas, des années de prison, des regrets pour la vie, ou les deux.

Bien sûr, on pourrait passer à l'action et ne jamais se faire attraper. Ou faire du mal verbalement. Ou lui pourrir la vie d'une manière ou d'une autre. Salir sa réputation. Lui rayer sa voiture. Vous avez déjà pensé à tout ça ? Moi oui, je l'avoue sans honte.

Résultat : deux personnes qui se haïssent au lieu d'une. Car détrompez-vous, votre haine ne disparaitra pas en faisant du mal à l'autre. Elle disparaîtra car le temps l'estompera, c'est la gomme universelle.

 


Haïr quelqu'un n'est toxique que pour la victime

Passons au 2e point, qui est le plus ironique je trouve.

Si je haïs quelqu'un, c'est que je lui veux du mal. Je veux qu'il souffre, comme moi. Je veux qu'il soit malheureux, qu'il se sente humilié, comme moi. Je veux qu'elle subisse exactement ce que j'ai subi.

Mais dans la plupart des cas, rien de tout cela n'arrivera. Il n'en saura rien. Elle continuera sa vie sans conscience aucune de mon désarroi.

Au final, la misère, c'est moi qui me la crée, c'est moi qui l'amplifie, c'est moi qui l'ingurgite, la rumine. J'essaie de la digérer et l'excréter du mieux possible, mais je n'y arrive pas.

La haine est donc auto-toxique. Elle n'a aucune utilité.

 


Quelques suggestions

Au cours d'une vie, nous subirons tous la haine des autres, et nous ressentirons tous de la haine envers les autres. Cela fait partie de notre parcours terrestre j'ai bien peur.

Il faut donc apprendre à transformer cette énergie. Voici quelques points qui m'ont toujours aidé.

(1) Comprendre que la personne n'est parfois pas consciente de ce qu'elle a fait, et que si elle savait ô combien elle vous a fait du mal, elle le regretterait. Faites l'exercice des 4 questions de Byron Katie.

(2) Si la personne a agi volontairement et avec intention de nuire, considérez-la comme une personne malade qui a besoin d'aide. Je trouve qu'il est beaucoup plus dur de détester quelqu'un qui est malade, qui ne comprends pas l'impact de ses mots et de ses actes.

(3) Si la personne a agi volontairement, c'est aussi qu'elle est elle-même en souffrance. Elle a peut-être traversé des épisodes très difficiles et traumatisants de sa vie. Elle mérite plutôt la compassion que la haine.

(4) Imaginez un miroir juste en face de vous. Si vous ressentez de la haine, cette énergie négative est, au final, dirigée vers vous. C'est à vous qu'elle fera du mal. Et vu que les émotions sont souvent toxiques pour la santé, tenez-vous vraiment à vous rendre malade ?

 


Un processus long et itératif

Non, je ne me fais pas d'illusions. Je n'essaie pas de sursimplifier la situation. Je sais comment l'esprit nous joue des tours. Comment une personne toxique peut nous mettre en vrac pendant des semaines, des mois. Comme vous, j'ai vécu cela

Mais aujourd'hui, j'en ai marre de vivre toutes ces pulsions négatives, toutes ces émotions toxiques. Et j'ai l'intention de les maîtriser peu à peu, de les transformer en énergie du changement.

Il faut du temps. De la patience. De la compassion envers soi-même. Nous ne sommes, au final, que des petits enfants qui font leurs premiers pas dans un monde truffé de défis émotionnels. Surtout ne pas baisser les bras...

Pour aller plus loin, un beau texte de Matthieu Ricard qui se lit très vite.