Que dire à une personne dépressive ? Surtout pas ça...
Je n'ai jamais connu de dépression à proprement dit. Certes, j'ai mes petits passages de déprime qui arrivent sans raison, comme je l'explique ici. Mais la dépression clinique, connais pas.
En revanche, certaines personnes qui me sont proches ont souffert de dépression profonde pendant plusieurs années et ceci m'a fait énormément réfléchir.
Je me suis souvent posé cette question : que dire à une personne dépressive pour lui remonter le moral ?
Et en voulant bien faire, j'ai perdu la confiance de ces personnes. J'ai plus tard compris pourquoi.
Explications dans cet article.
Arrêtes, tu ne peux pas comprendre !
Vous voulez bien faire. De votre côté, ça va plutôt bien. Bon, ok, de temps en temps vous faites votre petite crise de blues comme tout le monde.
Mais être plombé comme rocher de 3 tonnes perdu au fond d'un lac froid et sombre, vous n'avez pas connu. Du moins si vous êtes comme moi. Et si vous avez connu, passez votre chemin cher lecteur, cet article n'est pas pour vous :-).
Bref. Retour au sujet en question. Vous voulez bien faire, et vous allez dire quoi à la personne ? Vous devinez ? Allez, je vais vous faire une petite simulation.
"Allez, tu vas voir, ça ira mieux bientôt. Mais faut pas se morfondre comme ça ! Regarde, il fait beau dehors. Mais pourquoi tu ne sors pas ? Pourquoi tu ne vas pas boire un café avec tes amies ? Il y a un super spectacle ce soir, ça te tente ?"
Mauvaise route. Très mauvaise. Très très mauvaise.
Réponse systématique : "Arrêtes, tu ne peux pas comprendre !"
Vous creusez un fossé
La seule chose que vous avez accompli en disant ce genre de choses, c'est creuser un fossé.
Comprenez bien ceci : la personne en face de vous souffre. Il y a de la misère dans sa tête. C'est tout noir.
Et là, tout de suite, elle n'a sûrement pas envie d'aller boire un thé vert à la menthe accompagné d'un petit roulé à la cannelle à la terrasse d'un café rue de la république pour parler du dernier Tarantino.
Et la pièce de théâtre de ce soir, vous savez où vous pouvez vous la mettre (désolé pour la vulgarité, mais j'aimerais exprimer la colère que ressent la personne en dépression).
Elle n'ira nulle part. Elle ne verra personne. Elle restera chez elle, attristée de voir qu'une fois de plus, vous n'avez rien compris. Sinon vous ne pourriez pas dire des choses comme ça.
Ce que nous disent les études
Eh oui, il existe des études sur à peu près tout aujourd'hui. Parfois elles nous donnes des informations intéressantes, parfois il faut les prendre avec un grain de sel.
Je trouve celle-ci particulièrement intéressante car elle confirme le point que j'ai observé dans la pratique. Publiée en 2014 dans la revue Journal of Personality and Social Psychology (*), voici ce qu'elle conclut :
"Se concentrer sur l'aspect positif d'un évènement négatif, minimiser le sérieux de la situation, et exprimer sa confiance dans la capacité de la personne à améliorer la situation peut être apprécié ou perçu comme insensible et même néfaste"
Mais alors on fait comment ? Certains apprécient et d'autres non ? Qu'elle est la clé pour faire la différentiation ?
Là encore, l'étude nous éclaire sur ce sujet.
Les chercheurs on trouvé une variable qui influence la réaction de la personne déprimée : l'estime de soi.
En effet :
- Si la personne a une faible estime, elle recevra mal votre tentative de faire apparaître sa situation avec une teinte positive. En revanche, valider les sentiments de la personne est accepté et apprécié.
- Si la personne a une forte estime, l'approche "tu verras ça ira mieux demain" risque de passer mieux. Ou de faire un flop.
Difficulté additionnelle, dans mon expérience, les gens qui traversent une dépression clinique ont perdu, au passage, une bonne partie de leur estime.
Et donc...
Que dire à une personne dépressive ?
Pas grand chose. En fait, dites-en un minimum.
Mais écoutez-là avec beaucoup d'empathie. Faites-lui comprendre que même si vous ne pouvez pas ressentir ce qu'elle ressent, vous savez que c'est dur, que c'est froid, que c'est noir.
Elle s'en cogne que dans 3 ans, elle sera probablement sortie d'affaire. Car là, tout de suite, c'est la misère. Et le bout du tunnel, il n'a même pas la taille d'une tête d'épingle. Pas la peine d'en parler.
Alors écoutez, acquiescez, éventuellement posez des questions pour comprendre ce qu'elle ressent, donnez-lui un bon gros câlin si c'est approprié à la situation.
C'est tout. Pas besoin de l'emmener de force dans le positivisme. Sous peine de voir la personne se fermer devant vos yeux en se disant "je suis vraiment seule".
(*) Marigold DC, Cavallo JV, Holmes JG, Wood JV. You can't always give what you want: the challenge of providing social support to low self-esteem individuals. J Pers Soc Psychol. 2014 Jul;107(1):56-80.