"Cerveau et silence" de Michel Le Van Quyen
Le livre « Cerveau et silence » de Michel Le Van Quyen m’a donné la permission de faire de vraies pauses. Et je dirais même, de flemmarder et de procrastiner un peu.
Mais pourquoi avais-je besoin de permission ?
Laissez-moi vous poser une autre question : c’est comment dans votre tête ? Chez moi, c’est le tumulte constant. Les idées s’entremêlent, s’entrechoquent, se répètent parfois dans des boucles obsessionnelles. Ceci me grise et m'épuise. C'est mon Qi, mon énergie, et mon boulet aussi.
J’ai l’envie et le besoin d’être créatif dans ma vie et mon travail. Il s’avère que cet état de tempête mentale, d’activité cérébrale continue, n’est absolument pas propice à la créativité. Je le sais depuis longtemps. Mais je n’ai jamais été quelqu’un qui fait des pauses. Trop d’envies, trop de choses à faire, si peu de temps pour le faire. Urgence. Memento mori.
Heureusement, l’univers a mis « Cerveau et silence » sur mon chemin…
Naissance du livre "Cerveau et silence"
Michel Le Van Quyen est neuroscientifique. Son truc, c'est donc l'exploration des états psychoémotionnels d'un point de vue physiologique et scientifique, le tout validées par les études.
En 2017, il vit un épisode qui l'amène à s'intéresser au silence de très près. En effet, il est touché par une paralysie faciale soudaine apparemment provoquée par une dysfonction de son système nerveux. La prescription tombe : repos absolu. Et le gars, il a l'air un peu comme moi, tempête dans sa tête tellement les projets hurlent pour attirer son attention.
Pendant sa convalescence, il redécouvre le calme et le silence. Initialement insupportable (vous voyez de quoi je parle ?), ce silence devient bénéfique et réparateur. Ainsi commence donc le projet de recherche qui aboutira dans l'écriture du livre.
Quelles que soient les raisons qui nous poussent à nous comporter tous comme des PDG surbookés, ce comportement est vécu comme un stress par le corps. Et seule l'immobilité est à même de réparer les dégâts causés.
Le silence soigne
Moi coupable d'avoir pensé que calme et silence sont synonymes de ralentissement et de perte de productivité. Il m'éloigne de mes projets, ton p****n de silence !
Le Van Quyen explique dans son livre que le silence, non seulement ne bloque pas la productivité, mais l'améliore. Il a fallu que je traduise ceci dans mes propres termes. Oui, je me parle souvent à moi-même.
"Vivre un état de silence et de calme va te donner l'impression que tu ne glandes rien à un moment où tu es à la bourre sur tout un tas de choses. En revanche, il te permettra de gagner du temps tellement tes idées deviendront claires et les solutions viendront à toi."
Bingo, je me suis convaincu. De quoi ? De ne rien faire de temps à autre et de totalement l'accepter. Et de vivre l'état régénérateur.
Différents types de silences
Il est important de comprendre que tous nos sens sont agressés et saturés aujourd'hui. Les mettre au repos est bénéfique.
- Silence acoustique : c'est ce qu'on appellerait tout simplement "silence" aujourd'hui, un état sans bruit. Ce livre m'a fait prendre conscience que mes oreilles ne sont jamais au repos. J'adore écouter des podcasts. De la musique. Trop. Mon cerveau a tendance à mouliner constamment, il faut que je lui donne un chewing-gum à mâcher sinon j'ai peur qu'il s'ennuie. Je crois que les podcasts ont rajouté une charge en plus, une voix totalement portable que je peux emmener avec moi.
- Repos visuel : vous fermez les yeux... uniquement quand vous dormez ? Je sais. Tout pareil ici. Fermer les yeux, ou les fixer sur une surface sans distraction (Le Van Quyen parle des peintures de Pierre Soulages), est chose complexe aujourd'hui avec les interruptions visuelles provenant des différents écrans. L'auteur nous donne ici un petit exercice que vous connaissez peut-être déjà, qui consiste à frotter les mains pour réchauffer la paume, former une coque avec la paume et placer cette coque sur les yeux ouverts afin de ressentir la chaleur et apprécier l'obscurité.
- Repos corporel : si vous êtes, comme moi, accros au mouvement et au sport, il va falloir réfléchir sérieusement à ce point. Sinon, vous risquez l'épuisement du système nerveux sympathique. Respirer, pratiquer la relaxation différentielle, tels sont les outils évoqués par l'auteur. Et se poser la question évoquée dans le livre : "Pourquoi ne rien faire est-il si insupportable ?"
L'auteur nous fait voyager au travers du silence de la rêverie, du silence de la méditation. Il nous rappelle la joie du contact avec la nature et les espaces verts. Les outils ne manquent pas. Il faut juste arriver à se convaincre que ralentir est thérapeutique. Votre cerveau le sait, le mien aussi. Je n'avais pas besoin qu'on me le rabâche une énième fois.
J'avais, en revanche, besoin que l'on me plonge profondément dans cette réflexion, chose que Le Van Quyen arrive à faire remarquablement bien, en combinant des exemples de la vie moderne qui nous parlent à tous, ainsi que la sagesse des philosophies ancienne.
Bénéfices du silence sensoriel
Ce que j'ai retenu au sujet des bénéfices du silence :
- Se reposer (une évidence), à la fois physiquement, mais surtout mentalement, dans une époque où les agressions sensorielles non maitrisées nous épuisent.
- Favoriser une meilleure créativité (un argument convaincant pour moi qui écris beaucoup)
- Prévenir les maladies neurodégénératives (qui font un peu peur aujourd'hui, on est d'accord)
Le silence active certaines zones cérébrales propices à la réflexion, mémorisation et compréhension des nouveaux concepts. Pour mieux comprendre la vie et se comprendre soi, il faut créer et protéger ses zones de silence.
Cerveau et silence : conclusion d'un hyperactif
Si tout ce que j'ai décrit ici vous semble une évidence, je vous comprends. Juste : lisez le livre. En ce qui me concerne, j'avais besoin que l'on me resserve ces concepts, déclinés de différentes manières, abordés sous différents angles d'attaque.
Au bout d'un moment, j'ai déposé les armes : OK, le gars a raison et il sait de quoi il parle.
Le bénéfice ultime de lire ce livre : je ne saurais l'expliquer, mais le livre m'a mis dans un état de silence. Le livre, en soi, fut comme une méditation. Inconsciemment, je l'ai lu lentement, j'ai savouré chaque chapitre, contrairement à mon envie de dévorer un livre qui me plait beaucoup.
Écoutons l'auteur...
Aujourd'hui, le silence, lorsqu'il se présente, s'offre pour moi comme une chance et un plaisir. D'avantage qu'un plaisir d'ailleurs : le bonheur - profond -, celui de ne rien faire, de ne rien dire. Apprendre à se taire pour retrouver le contact avec soi, ses sensations, mais aussi l'autre et son environnement. Se taire pour savourer ce qui est, pour juste être là et écouter. C'est la grande leçon que j'ai retenue de ma maladie et que je tente maintenant d'appliquer au quotidien.
Merci Michel Le Van Quyen. Vos arguments sont d'autant plus convaincants qu'ils sont fondés sur votre propre vécu.
"Cerveau et silence, les clés de la créativité et de la sérénité" aux éditions Flammarion.

