Donner un sens à sa vie
Je l'avoue, je ne me suis jamais trop posé de questions existentielles jusqu'à la fin de ma vingtaine. Donner un sens à ma vie, avec un grand "S", n'a jamais été une préoccupation majeure avant cela.
Vous savez ce que c'est. On est jeune, on commence à travailler, à gagner de l'argent, à être indépendant. On est grisé par le flot de cette nouvelle vie. On court, un peu comme un poulet à qui on a coupé la tête.
Puis un jour, la question arrive. Chez certains, ça arrive tôt, chez d'autres un peu plus tard. Mais basé sur mes observations, ça arrive un jour ou l'autre. Et là, c'est toujours un peu la baffe.
Je fais quoi, là, exactement, sur cette planète ? Ça sert à quoi de bosser, de louer un appart, de prendre la voiture tous les matins ? Je vais où exactement ?
Si cette question vous a frappé vous aussi, bienvenue au club 🙂
Arrive Viktor Frankl...
Mon premier guide dans ma recherche du sens de la vie est un homme qui s'appelle Viktor Frankl. Son livre "Man's Search for Meaning" (en français : Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie) m'a beaucoup remué. Je l'ai lu lorsque j'avais 28 ans.
Si vous ne connaissez pas l'histoire de Frankl, je peux vous dire qu'elle est remarquable.
Pour faire très court, Frankl était professeur de neurologie et de psychiatrie. Pendant la 2e guerre mondiale, il est emprisonné, avec sa famille, dans les camps de concentration Nazis. Il connaîtra en particulier l'horreur d’Auschwitz.
Frankl survivra pendant que tant d'autres meurent de faim, de froid et d'épuisement. Sa famille, y compris sa femme enceinte et ses parents, ne survivra pas.
Lorsque je dis "meurent", cela n'est pas tout à fait exact. Frankl nous explique qu'il faudrait plutôt dire "se laissent mourir". Certes, les conditions étaient absolument abominables. Mais la mort arrivait lorsque le prisonnier n'arrivait plus à donner un sens à sa vie. Il baissait les bras et laissait la flamme s'éteindre.
Frankl lui, avait un objectif, une vision à long terme. Il couvait en effet le projet qui deviendra l’œuvre de sa vie à sa sortie des camps de concentration. Même lorsqu'il découvrira qu'il n'a plus de femme ni de parents pour l'attendre.
Il fondera la logothérapie, une psychothérapie qui a pour but d'aider la personne à trouver un sens à sa vie.
Les idées clés
Je ne prétends pas être un expert en logothérapie ni un expert tout court. Ceci est donc ma propre liste des idées clés que j'ai tiré de l'ouvrage de Frankl. D'autres verront peut-être les choses différemment.
Les citations sont des traductions faites par moi-même basées sur l'ouvrage en Anglais. L'ouvrage français vous donnera probablement des tournures de phrases légèrement différentes.
>> 1. Il est normal et primordial de rechercher un sens à sa vie
Pourquoi me prendre la tête avec cette histoire de sens ? Est-ce que mes parents se sont posé toutes ces questions ? Certainement pas. A l'époque, on se souciait simplement de trouver un job stable, de se caser dans un logement confortable, et basta.
Pour nous par contre, les générations d'après, on est sacrément bon pour se faire des nœuds dans la tête.
Frankl m'a fait réaliser que cette recherche est non seulement normale, elle est aussi essentielle pour notre survie. On ne peut pas baisser les bras tant que l'on n'a pas fixé un cap, des objectifs, des valeurs.
Donc rassurez-vous, nous ne sommes pas les seuls sur cette planète, vous et moi, à vouloir déterminer quel est notre fil conducteur.
>> 2. Il faut se tourner vers le futur
Ce qui est passé est passé. On peut certes faire des années de psychanalyse, revisiter, ressasser. Certains y trouvent leur bonheur. Personnellement, ce n'est pas quelque chose qui m'attire.
Frankl prône une vision qui n'est ni rétrospective (on ne se prend pas la tête avec le passé), ni introspective (on ne se prend pas la tête en se focalisant sur nos ruminations internes). On se concentre sur le sens que l'on veut donner à sa vie à partir de maintenant.
J'aime cette simplicité. On fait table rase et on se concentre sur le futur.
>> 3. Dépression, agressions et addictions expriment un manque de sens
En ce qui concerne la dépression, prenons un cas extrême, la tentative de suicide. En Autriche, Frankl a travaillé dans le plus grand hôpital public où il était responsable des dépressions graves. Il a supervisé plus de 12 000 cas.
Pour chaque tentative de suicide, Frankl expliquait au malade que quelques semaines, quelques mois, quelques années plus tard, de nombreuses personnes arrivaient à la même conclusion : elles étaient heureuses que la tentative de suicide ait échoué. Il y avait une solution à leur problème : trouver un sens à leur vie.
A ce stade, Frankl disait à la personne :
"qui vous dit que ceci ne va pas vous arriver tôt ou tard ? Mais d'abord, il faut que vous viviez pour le découvrir. Vous portez maintenant cette responsabilité."
Ce type d'accompagnement agissait comme un déclic chez la personne pour lui redonner le goût de vivre. Bien sûr, l'accompagnement se faisait sur plusieurs semaines, voir plusieurs mois. Mais l'idée maîtresse est là.
En ce qui concerne les agressions, Frankl explique l'expérimentation suivante : on met en concurrence 2 groupes de scouts et on fait monter la pression entre les deux afin de créer des opportunités d'agression. Une fois ceci mis en œuvre, le seul moyen de mettre fin aux agressions est de donner à ces deux groupes un sens commun, ici dégager un chariot plein de nourriture qui était embourbé. Les deux groupes sont alors unis à nouveau.
Un sens commun qui va au-delà des besoins et désirs de l'individu est donc unificateur et pacifiste. En effet, si je me fixe le but d'accumuler des richesses, je vais agir d'une manière égoïste, probablement à l'encontre du bien-être du groupe. Oui, je sais, tout dépend de ce que l'on décide de faire avec ces richesses. Mais pourquoi ne pas commencer justement par décider ce que l'on veut faire avec ses ressources et son temps libre ? Quel impact voulons nous avoir sur notre famille, notre groupe social, notre société ?
Pour finir avec les addictions, une étude faite sur les alcooliques démontre que 90% souffrent de profond manque de sens à leur existence. Sinon pourquoi se réfugier dans des addictions, si ce n'est de fuir une réalité qui ne présente plus aucun intérêt ?
Serait-il naïf de penser que ces 3 fléaux - dépression, agressions et addictions - diminueraient d'une manière significative si nous passions plus de temps à donner un sens à notre vie ? Je ne pense pas.
>> 4. On peut trouver un sens à la souffrance
Pour moi, ceci est la partie la plus dure à intégrer. Mais comme le dit Frankl :
"la souffrance cesse d'être de la souffrance le moment où on lui trouve un sens."
Voici l'histoire d'un homme. Il s'appelle Jerry Long. Il est paralysé de la tête aux pieds après un accident de voiture lorsqu'il a 17 ans. Déjà, essayez d'imaginer la situation pendant quelques secondes. Fermez les yeux, pensez à la vie du jeune Jerry, sur un fauteuil roulant, à tout faire grâce à sa bouche car le reste est incapable de bouger.
OK on continue. Je laisse parler Jerry :
"Je me suis brisé le cou, mais ceci ne m'a pas brisé. Je suis inscrit à l'université et j'ai entamé mon premier cours de psychologie. Je suis convaincu que mon handicap ne fera qu'améliorer ma capacité à aider mon prochain. Je sais que sans souffrance, mon développement personnel aurait été impossible."
Laissons maintenant parler Frankl :
"Cela signifie-t-il que la souffrance est indispensable pour découvrir le sens de sa vie ? Absolument pas. J'insiste seulement sur le fait que l'on peut donner un sens à sa vie même si l'on souffre. Si la souffrance est évitable, il faut éliminer ses causes, car la souffrance inutile est du masochisme et pas de l’héroïsme."
Vous pensez peut-être que, contrairement à Jerry, vous êtes incapable d'un tel courage. Je pense que vous vous sous-estimez. C'est uniquement qu'une situation de souffrance (physique ou mentale) se présente que l'on comprend pleinement notre résilience et notre capacité à faire face.
En attendant, si vous souffrez aujourd'hui, sachez que donner un sens à votre souffrance peut vous incroyablement vous aider.
Je vous donne mon exemple. Je suis migraineux de longue date, et j'ai passé un nombre incalculable de journées à vouloir me frapper la tête contre un mur tellement la douleur est ingérable. Un jour, j'ai décidé d'étudier mes migraines, les décortiquer, les comprendre. J'ai essayé de nombreuses thérapies. Tout ceci, je l'ai fait pour moi d'abord, d'une manière égoïste, je l'avoue.
Puis un jour, j'ai décidé d'en faire profiter d'autres personnes qui en souffrent. En tant que praticien et conseiller, j'ai eu la chance d'accompagner de nombreux migraineux (je ne le fais plus aujourd'hui). À partir de ce moment-là, à chaque crise, je me suis dit que pourrais-je bien apprendre pour ensuite le partager ? Mes migraines avaient tout à coup un sens, et ceci a grandement changé ma perception de la douleur.
>> 5. C'est la vie qui vous le demande !
Frankl nous dit :
"Ne demandez pas quel est le sens de votre vie. C'est la vie qui vous pose cette question."
Vous voyez la nuance ? Souvent, on se laisse bercer par la vie en attendant qu'un sens, qu'un but, qu'un objectif nous tombe dessus tout cuit. Mais cette attitude est beaucoup trop passive.
Au contraire, il faut prendre les chaussures de marche et la machette et se frayer un chemin. Pour cela, il faut des outils, des questionnaires, un processus de réflexion, etc.
Mon but est de vous apporter de tels outils au fil des mois. En attendant, voici un questionnaire de logothérapie destinée à aider la personne à trouver un sens à sa vie...
Et pour une réflexion beaucoup plus simple que ce questionnaire, voir mon article ici.