Réaliser l'influence des autres sur notre bonheur

Avant de faire une réparation, il faut toujours faire un bon diagnostic.

C'est quoi qui est cassé, vous allez me dire ? Notre capacité d'atteindre un bonheur stable qui ne se laisse pas trop secouer par les tempêtes et les vents tournants.

Et nous avons beaucoup de mal à comprendre les différents facteurs qui sont les plus perturbateurs.

En voici un, il est majeur : l'influence des autres sur notre bonheur.

Dans cet article, vous allez voir que ce qui devrait, à la base, être un fait complètement neutre (le pare-brise de ma voiture est cassé), peut le rester et ne pas perturber notre bien-être (le vent a fait tomber une branche sur mon pare-brise) ou complètement nous déstabiliser (on m'a cassé mon pare-brise à coups de batte de baseball).

Et pourtant, au final, le problème est le même non ? Faut que je change mon p****n de pare-brise !

L'influence des autres

 


Juge ou jury, pas la même chose

Voici un exemple tiré de l'excellent "Stumbling on Happiness" de Daniel Gilbert.

Prenez un groupe de volontaires et faites-leur croire qu'ils vont postuler pour un emploi bien rémunéré. L'entretien ne sera pas conventionnel et se fera devant une caméra.

Le volontaire sera filmé en train d'expliquer pourquoi il devrait être embauché, et la décision se fera plus tard. Du moins c'est ce qu'on explique à ces cobayes.

On divise les volontaires en 2 groupes :

● Dans le premier groupe, on explique que la décision sera prise par une seule personne (groupe "juge"). Cette personne, à elle seule, décidera si la personne est embauchée ou pas.

● Dans le deuxième groupe, on explique que la décision sera prise par un groupe de personnes (groupe "jury"). Dans ce groupe, il suffira qu'une seule personne soit d'accord pour que la personne soit embauchée, même si les autres ne sont pas d'accord.

Avant de leur donner la décision finale, on demande à tous les volontaires de juger leur niveau de bonheur s'ils ne sont pas embauchés. Les résultats sont à peu près équivalents pour les deux groupes. Certes on est déçu, mais bon, on s'en remettra.

En d'autres termes, avant que le couperet ne tombe, tout le monde se dit que le point important ici, c'est qu'on passe à côté d'un bon job, ni plus, ni moins, quel que soit le processus de décision. On ne considère que les données brutes, les faits.

Ensuite on annonce le résultat aux personnes, et bien sûr, tout le monde reçoit une décision négative, pour les besoins de cette étude.

On leur demande ensuite de noter leur niveau de bonheur. Et là, surprise...

(1) Les personnes dans le groupe "juge" sont largement plus heureuses que ce qu'elles avaient prédit.

(2) Les personnes dans le groupe "jury" sont largement moins heureuses que les personnes du groupe "juge".

Décortiquons tout ceci, si vous le voulez bien.

 


Nous encaissons très bien les échecs

C'est le premier point important à comprendre et je vous en ai déjà parlé ici.

Lorsque nous pensons à un échec potentiel qui pourrait nous arriver dans notre futur, nous pensons que l'épisode va nous traumatiser. Et donc nous tombons souvent dans l'inaction.

Notre cerveau a des mécanismes de protections qui font que, a posteriori, l'échec n'est en fait pas si cuisant que cela (sauf exception bien sûr, nous ne parlons pas d'évènements très traumatisants ici).

C'est pour cela que les personnes qui ont imaginé ne pas être embauchées dans le premier groupe ont perçu plus de stress en y pensant que lorsque l'échec est arrivé en vrai, c'est-à-dire lorsqu'on leur a délivré la mauvaise nouvelle.

Les chiffres sont un peu différents dans le groupe "jury". A posteriori, les personnes sont toujours plus heureuses que ce qu'elles auraient pensé, mais juste un peu plus. Il semble qu'un autre phénomène soit venu annuler une partie du "gain" que l'on observe dans le groupe "juge".

Que se passe-t-il exactement dans le groupe "jury" ?

 


Nous craignons le jugement du groupe

Lorsqu'on a annoncé aux volontaires qu'ils n'étaient pas embauchés, ils ont soudain réalisé ce que cela voulait dire d'un point de vue social.

S'il suffisait d'une personne pour se faire embaucher, cela signifie qu'absolument personne n'a levé le petit doigt pour exprimer une opinion positive.

Ce n'était pas pareil pour le groupe "juge". Mettez-vous à leur place. Les braves gens du groupe "juge" se sont dit quoi exactement ? Que la personne en charge a fait une grossière erreur bien sûr. Qu'ils méritaient l'embauche, mais cette grosse nouille en a pensé autrement. Pffff, pauvre type !

Et hop, affaire réglée. Quelques minutes plus tard, on a la pêche, on est content, largement plus que ce que l'on aurait pensé.

Mais pour le groupe "jury", le système immunitaire psychologique (voir mon article ici) n'a pas pu faire son travail. Lorsqu'une seule personne nous rejette, c'est que c'est une nouille. Lorsque tout un groupe nous rejette, on se dit que la nouille, c'est nous !

 


L'influence des autres, un voile subjectif

L'influence des autres impose donc un voile subjectif sur toutes les situations que nous vivons. L'échec lui-même, ou tout autre épisode gênant, est tout à fait gérable. Mais lorsque l'on superpose la signification sociale, alors là, on peut partir dans de grandes colères ou périodes de dépression.

Exemple :

  • Fait : mes lunettes sont cassées
  • Version 1 : on m'a bousculé dans le métro sans faire exprès, mes lunettes sont tombées.
  • Version 2 : j'ai marché sur le pied d'un homme dans le métro, je me suis excusé mais cela ne lui a pas plu, il m'a poussé et mes lunettes sont tombées.

Dans la version 1, je me dis "bah ça arrive à tout le monde" et je vais faire réparer mes lunettes.

Dans la version 2, je peux partir dans une série de pensées récursives comme quoi le monde est agressif, comment a-t-il osé, si j'avais su, ce que j'aurais dû dire, ce que j'aurais pu faire, etc. Vous voyez de quoi je parle ?

La version 2 entrave sérieusement notre bonheur.

On peut tout à fait se sortir de ce type de réflexe grâce à certaines techniques (voir par exemple Pensées obsessionnelles : les 4 questions de Byron Katie).

Et sans rentrer dans les différents types de solutions, j'estime que déjà, comprendre que ceci va se passer peut faire une énorme différence.

Oui, je sais, ne plus ressentir l'influence des autres est compliqué et il faut toute une vie pour en arriver là... mais une étape à la fois... comprendre l'influence des autres est le début de l'acceptation !

(et puis avant de vous laisser, une petite citation ici pour vous faire réfléchir 🙂 )