Stress de l'incertitude dans une période de brouillard

Pas de visibilité, la boule de cristal est cassée, le futur est incertain. Le stress de l'incertitude nous ronge en cette période définitivement tordue de notre histoire.

Je regarde autour de moi, et je me dis qu'il reigne un sacré stress généralisé. La pandémie a mis une grande pagaille dans les économies, mais surtout dans nos têtes. Et en prime, elle nous a collé la peur au ventre.

Il n'y a pas que le COVID qui est contagieux. L'angoisse et la peur le sont encore plus contagieux.

Je pense que l'humain est devenu un peu trop sûr de lui. Il pensait tout contrôler, tout maîtriser. On pouvait prédire les cours de la Bourse, l'inflation, on faisait des prédictions sur l'état de l'économie l'an prochain, l'évolution de l'immobilier sur 5 ans.

Et puis un virus est arrivé et a fait tomber les grandes certitudes comme un château de cartes. Tout à coup, on n'y voit plus rien mon capitaine, y aurait pas un iceberg caché dans tout ce brouillard ? Du coup, les médias nous matraquent de mauvaises nouvelles. Dans le doute, autant voir le verre à moitié vide.

D'où vient ce stress de l'incertitude exactement ? Pourquoi est-on aussi angoissé par le manque de visibilité d'un avenir qui semble tout à coup complètement flou ?

Stress de l'incertitude : flexibilité du roseau

(en période d'incertitude, il faut être flexible comme le roseau et pas rigide comme le chêne...)

 


Prédictions, planification et survie

L'être humain a pu se sédentariser, produire sa nourriture à grande échelle et construire de gigantesques cités en arrivant à prédire l'avenir.

En effet, on ne peut pas faire pousser et récolter du blé si on ne comprend pas le rythme des saisons. Il faut prédire comment le climat évolue sur plusieurs mois.

On ne peut pas se protéger contre certains animaux sauvages si on ne sait pas quand ils chassent et comment ils vont nous attaquer.

Au travers des âges, notre capacité de survie s'est reposée sur la connaissance de données nous permettant de faire des prédictions. Nous sommes conditionnés pour exiger sans cesse des données sur ce qu'il se passera dans le futur pour que l'on puisse s'adapter.

Une équipe de chercheurs explique ce phénomène (1) :

"Comment notre cerveau forme-t-il des prédictions sur le monde autour de nous lorsqu'il n'a accès qu'à de petits fragments d'information ? Apparemment, le cerveau utilise des méthodes statistiques sophistiquées. En opérant avec des probabilités, le cerveau est capable de faire des prédictions au sujet du futur même sous condition d'incertitude. Comment ces procédures sont exécutées est l'une des questions les plus fascinantes de la neuroscience."

Pour résumer, donnez-moi quelques petits fragments d'information, et mon cerveau va construire un futur virtuel, probabiliste, mais qui me donne l'impression que je contrôle ma destinée. Encore faut-il avoir assez de ces fragments, ce qui n'est hélas pas le cas aujourd'hui (période de re-confinement).

Ces mécanismes sont innés, programmés en nous, et très coûteux d'un point de vue énergétique (1). Si malgré tous ses efforts, le cerveau n'arrive pas à construire ce futur, il reste bloqué dans un mode appelé "persévération". Un terme sophistiqué pour dire que nos pensées tournent en boucle, en mode panique, sans pour autant y voir plus clair dans ce que le futur nous réserve.

Nous tombons alors dans le grand cercle vicieux du "et si ?"

  • Et si je perdais mon emploi car l'économie pourrait se casser la figure ?
  • Et si le confinement durait encore 6 mois, comment ça va se passer pour l'éducation de mes enfants ?
  • Et si mes parents tombent malades, survivront-ils à l'infection ?
  • Etc.

Comment faire pour extirper notre mental de ce cycle infernal ?

 


Stress de l'incertitude : une journée à la fois

Ceci va vous paraître évident, mais c'est en fait une technique relativement efficace. Prenez votre vie une journée à la fois, et planifiez-la avec soin.

Vous aurez un certain nombre de tâches à faire dans votre journée. Et vous avez visibilité totale dans ce futur très proche. Pas d'incertitude. Vous forcez votre mental à revenir à une zone connue, une zone de confort.

Ne vous préoccupez pas de demain. Vous vous préoccuperez de demain... demain !

Personnellement, je travaille de chez moi. Donc confinement ou pas, mon travail n'est pas affecté. Mais ma vie sociale est affectée, et je me demande si mes activités seront impactées par une récession possible. Je traverse donc, moi aussi, mes périodes de stress et de doute.

Lorsque ceci m'arrive, je planifie ma journée pour qu'elle soit à la fois équilibrée, plaisante, et pour recentrer mon mental sur cette journée particulière. Exemple de ce que je peux planifier afin de redonner à mon mental un sentiment de contrôle :

  • 6h : lever
  • 6h - 8h : lectures sur les plantes médicinales (une grosse partie de mon activité)
  • 8h - 9h : étirements, méditation
  • 9h - 10h30 : travail
  • 10h30 - 11h : marche
  • 11h - 12h : travail
  • 12h - 13h : déjeuner
  • 13h - 14h : repos / lecture
  • etc.

Est-ce que je planifie mes journées d'une manière aussi précise en "temps normal" ? Non, loin de là. J'ai bien sûr mes habitudes, mais mes journées peuvent varier d'un jour à l'autre.

Mais lorsque le stress de l'incertitude m'envahit, je me force à recréer une certitude sur le court terme, ce qui aura pour résultat de faire baisser mon niveau de stress. Essayez, c'est efficace (je ne suis pas le seul à utiliser cette méthode).

 


Faire le bilan du connu

Lorsque vous êtes stressé au sujet de l'inconnu, faite un bilan du connu. Faites des pauses dans la journée pour voir ce que vous ressentez. Avez-vous faim ? Soif ? Avez-vous les épaules tendues ? Si oui, vous pouvez agir sur ces paramètres.

Faites un bilan de votre environnement. Votre espace de travail est-il rangé et bien organisé ? Le sol est-il propre ? Les plantes en pot ont-elles soif ?

Toutes ces informations-là sont connues. Modifier certains paramètres comme ranger votre espace de travail, nettoyer le sol ou arroser les plantes sont sous votre contrôle absolu.

On retrouve là des méthodes bien connues des philosophies anciennes - vivre dans le moment présent et ne pas essayer de contrôler ce qui n'est pas contrôlable.

 


Stress de l'incertitude : 3 questions importantes

Pensez aussi à prendre du recul et vous poser les trois questions suivantes :

  1. Est-ce que stresser et angoisser au sujet du manque de visibilité me donnera plus de réponses sur mon avenir ? (indice : non)
  2. Est-ce que j'ai le contrôle sur ce qu'il va se passer dans 1 mois ? Dans 6 mois ? Dans 1 an ? Si je n'ai pas le contrôle, à quoi bon me mettre dans tous mes états ?
  3. Savoir vivre dans l'incertitude, n'est-ce pas une excellente compétence à avoir ? Développer un certain niveau de confort à vivre au jour le jour lorsque le futur est incertain est une bonne chose (et même lorsqu'il est certain, ce qui nous amène à la pratique de la pleine conscience).

Les événements évoluent très rapidement en ce moment. Il n'y a pas de raison de se rendre malade. Angoisser ne changera rien à la donne.

Au contraire, nous avons besoin de garder un certain calme, une certaine clarté d'esprit afin de s'adapter à cette période tumultueuse.

Ceci s'applique non seulement dans cette situation de pandémie et d'incertitude économique, mais aussi à n'importe quelle période de notre vie dans laquelle nous n'avons pas de visibilité. Peut-être un emploi en situation de précarité, ou un proche qui doit subir une intervention chirurgicale incertaine...

Et bien sûr, n'oubliez pas de respirer 🙂

Bon courage !

 

(1) Peters A, McEwen BS, Friston K. Uncertainty and stress: Why it causes diseases and how it is mastered by the brain. Prog Neurobiol. 2017 Sep;156:164-188. doi: 10.1016/j.pneurobio.2017.05.004. Epub 2017 May 30. PMID: 28576664.